Les Hétérocères sont essentiels pour les écosystèmes
Les Hétérocères jouent un rôle prépondérant dans les réseaux alimentaires : ils se font manger à tous les stades de leur vie, de la chenille se faisant dévorer par un oiseau ou parasitée par une guêpe, à l’adulte qui se fait happer par une chauve-souris affamée.
Une partie d’entre eux sont également des pollinisateurs et en particulier pour des plantes sauvages qui représentent la grande majorité des espèces de plantes sur Terre1. Ce rôle, de plus en plus reconnu, bien que mal évalué, est prépondérant car ces insectes semblent avoir une action complémentaire à celle des insectes actifs de jour.
Malgré cette importance pour les écosystèmes, les hétérocères connaissent un fort déclin2
L’abondance totale des plus gros hétérocères a par exemple diminué de 33% au Royaume-Uni, et 41% des espèces dont la tendance sur le long terme a pu être évaluée individuellement connaissent un déclin.
En effet, comme de nombreux insectes, ils sont impactés par la destruction de leur habitat en lien avec l’intensification de l’agriculture et l’urbanisation3. Ils sont également impactés par les pesticides : par exemple, l’exposition de la plante hôte de la chenille à des pesticides réduit le volume de ponte et l'activité de pollinisation4. Ils sont en plus impactés par la pollution lumineuse, comme récemment soulignée par une étude de chercheurs anglais qui montre que "l’éclairage public dans les rues réduit l’abondance des chenilles de papillons de nuit de 47% lorsqu’il s’agit de haies qui sont éclairées5".
Dans les villes, ces insectes peuvent être présents, et même potentiellement y trouver leur bonheur comme cela a pu être souligné pour les pollinisateurs actifs de jour (lire notre précédent article à ce sujet). Les jardins de particulier et la manière dont ils sont gérés peuvent jouer un rôle particulièrement important en milieu urbain pour accueillir des pollinisateurs (mais également en zone agricole intensive6), comme cela a été montrée notamment pour les papillons de jour7. Mais qu’en est-il pour les papillons de nuits, ces insectes si diversifiés mais pourtant tellement ignorés ? C’est l’objet de la récente étude de deux chercheurs européens8.
Une étude pour étudier le rôle des jardins en milieu urbain sur les papillons de nuit
Cette dernière, basée en Irlande, utilise le piégeage lumineux pour examiner la réponse des papillons de nuit dans les jardins domestiques à la composition de la végétation des jardins (c’est-à-dire la surface en végétation herbacée, buissonnante, arborée, mais également la végétation en plusieurs strates ou encore la surface artificialisée) ainsi que des habitats directement autour des jardins (dans un rayon de 30 mètres).
Les résultats de cette étude montrent que les papillons de nuit sont influencés positivement par des habitats complexes et diversifiés (en particulier des niveaux croissants de surfaces occupées par des arbustes et des niveaux décroissants de surfaces artificialisées). Cependant, cet effet n’est vrai qu’à une échelle qui s'étend au-delà des limites du jardin pour inclure la zone environnante. En d'autres termes, ça n’est pas la végétation ou la taille du jardin qui comptent directement pour comprendre le nombre de papillons ou d’espèces qui s’y trouvent, mais la végétation autour du jardin étudié.
Ces résultats ont des implications à la fois pour la gestion des jardins et l'aménagement du paysage : si les jardins domestiques sont des éléments clairement utiles dans le cadre de stratégies visant à réduire la perte de biodiversité dans l'environnement urbain, ils doivent fournir un bon habitat et être gérés comme un réseau de parcelles interconnectées plutôt que comme des unités individuelles.
Ces résultats ont des implications à la fois pour la gestion des jardins et l'aménagement du paysage : si les jardins domestiques sont des éléments clairement utiles dans le cadre de stratégies visant à réduire la perte de biodiversité dans l'environnement urbain, ils doivent fournir un bon habitat et être gérés comme un réseau de parcelles interconnectées plutôt que comme des unités individuelles.
Pour résumer, un jardin géré de manière écologique prend tout son sens quand il est une partie intégrante d’une continuité écologique de jardins gérés également écologiquement ou d’habitats (semi)-naturels, et pas comme un îlot isolé qui suffira à lui-même !
Alors que faire ?
Appliquer des bonnes pratiques de gestion et d’éclairage, faire tache d’huile en rejoignant des réseaux de jardiniers (grâce à notre programme Jardins de Noé par exemple), ou encore s’engager politiquement ou voter pour faire évoluer les comportements à des échelles dépassant les seuls particuliers !
On peut aussi découvrir cette biodiversité nocturne et ces formidables papillons de nuit. Car connaître ce groupe dit méga-divers (les papillons dans leur ensemble représentent près de 160 000 espèces dans le monde !), c’est être certain de ne plus y être insensible ! C’est justement l’objet de notre projet Lépinoc.
Une question sur les pollinisateurs sauvages ou sur cet article ? Contactez Jérémie Goulnik, chargé de programme Prairies de Noé et Insectes pollinisateurs sauvages : jgoulnik@noe.org
Une question sur les pollinisateurs sauvages ou sur cet article ? Contactez Jérémie Goulnik, chargé de programme Prairies de Noé et Insectes pollinisateurs sauvages : jgoulnik@noe.org
1) Richard E. Walton et al., ‘Nocturnal Pollinators Strongly Contribute to Pollen Transport of Wild Flowers in an Agricultural Landscape’, Biology Letters 16, no. 5 (May 2020): 20190877, https://doi.org/10.1098/rsbl.2019.0877.
2) https://butterfly-conservation.org/moths/the-state-of-britains-moths
3) David L. Wagner et al., ‘A Window to the World of Global Insect Declines: Moth Biodiversity Trends Are Complex and Heterogeneous’, Proceedings of the National Academy of Sciences 118, no. 2 (12 January 2021): e2002549117, https://doi.org/10.1073/pnas.2002549117.
4) Melanie Hahn et al., ‘The Effects of Agrochemicals on Lepidoptera, with a Focus on Moths, and Their Pollination Service in Field Margin Habitats’, Agriculture, Ecosystems & Environment 207 (September 2015): 153–62, https://doi.org/10.1016/j.agee.2015.04.002.
5) Douglas H. Boyes et al., ‘Street Lighting Has Detrimental Impacts on Local Insect Populations’, Science Advances 7, no. 35 (August 2021): eabi8322, https://doi.org/10.1126/sciadv.abi8322.
3) David L. Wagner et al., ‘A Window to the World of Global Insect Declines: Moth Biodiversity Trends Are Complex and Heterogeneous’, Proceedings of the National Academy of Sciences 118, no. 2 (12 January 2021): e2002549117, https://doi.org/10.1073/pnas.2002549117.
4) Melanie Hahn et al., ‘The Effects of Agrochemicals on Lepidoptera, with a Focus on Moths, and Their Pollination Service in Field Margin Habitats’, Agriculture, Ecosystems & Environment 207 (September 2015): 153–62, https://doi.org/10.1016/j.agee.2015.04.002.
5) Douglas H. Boyes et al., ‘Street Lighting Has Detrimental Impacts on Local Insect Populations’, Science Advances 7, no. 35 (August 2021): eabi8322, https://doi.org/10.1126/sciadv.abi8322.
6) Arne Wenzel et al., ‘How Urbanization Is Driving Pollinator Diversity and Pollination – A Systematic Review’, Biological Conservation 241 (January 2020): 108321, https://doi.org/10.1016/j.biocon.2019.108321.
7) Manfred Pendl et al., ‘Influences of Landscape Structure on Butterfly Diversity in Urban Private Gardens Using a Citizen Science Approach’, Urban Ecosystems, 25 September 2021, https://doi.org/10.1007/s11252-021-01168-6.
8) Emilie E. Ellis and Tom L. Wilkinson, ‘Moth Assemblages within Urban Domestic Gardens Respond Positively to Habitat Complexity, but Only at a Scale That Extends beyond the Garden Boundary’, Urban Ecosystems 24, no. 3 (June 2021): 469–79, https://doi.org/10.1007/s11252-020-01050-x.
7) Manfred Pendl et al., ‘Influences of Landscape Structure on Butterfly Diversity in Urban Private Gardens Using a Citizen Science Approach’, Urban Ecosystems, 25 September 2021, https://doi.org/10.1007/s11252-021-01168-6.
8) Emilie E. Ellis and Tom L. Wilkinson, ‘Moth Assemblages within Urban Domestic Gardens Respond Positively to Habitat Complexity, but Only at a Scale That Extends beyond the Garden Boundary’, Urban Ecosystems 24, no. 3 (June 2021): 469–79, https://doi.org/10.1007/s11252-020-01050-x.