Lépinoc lance sa 3ème édition après deux années prometteuses 

Deux participants partagent leur expérience avec le programme de Sciences participatives Lépinoc

La Journée mondiale de l’environnement qui se tient aujourd’hui est un rappel que les actions des citoyens à travers la science participative contribuent à l’amélioration des connaissances sur un grand nombre d’espèces méconnues du grand public et parfois en situation d’extinction.  

 Lépinoc en tant que projet de science participative améliore l’état des connaissances sur les papillons nocturnes et sensibilise aux enjeux de protection de la biodiversité nocturne.  

A l’occasion de sa 3ème édition, Noé a rencontré deux acteurs participant au dispositif. Frédéric Jarry, conseiller environnement à la Mairie de Paris (au Parc Floral), participant depuis les débuts de Lépinoc en 2021 et Tristan Berry, chargé d’études scientifiques à la Réserve Naturelle Nationale de l’étang noir, nouveau participant.

De gauche à droite : Tristan BERRY, Frédéric JARRY

03 juin 2023

Bonjour Frédéric. Vous êtes conseiller environnement à la Mairie de Paris, et vous participez au dispositif Lépinoc depuis ses débuts en 2021. Pourriez-vous nous expliquer votre rôle au sein de la Mairie de Paris et les grands projets auxquels vous participez en tant que conseiller environnement ?

Bonjour, je travaille à la Direction des Espaces Verts et de l'Environnement de la Mairie de Paris, plus précisément au sein de la Division Mobilisation du Territoire de l'Agence d'Écologie Urbaine. Je suis Conseiller Environnement à la Maison Paris Nature, un centre ressource dédié à la biodiversité parisienne, situé dans le Parc Floral de Paris. Mon rôle consiste à sensibiliser le grand public à la nature, former les agents de la Ville à la gestion écologique des espaces verts et accompagner les copropriétés dans leurs projets d'aménagement en faveur de la biodiversité à Paris.


Bonjour Tristan. Vous êtes chargé d’études scientifiques pour la Réserve naturelle nationale de l’étang noir en Nouvelle-Aquitaine. 
Pourriez vous nous expliquer votre mission en tant que chargé d’études scientifiques et pourquoi vous avez choisi de vous emparer de Lépinoc cette année ?

Ma principale mission consiste à animer la partie scientifique sur le site, en veillant à la collecte, à la conservation, à l'analyse et à la synthèse des données recueillies sur le terrain, notamment sur la faune, la flore et les paramètres abiotiques. En plus de cette mission centrale, je participe également à d'autres actions menées sur la réserve, telles que la gestion écologique, la surveillance du site et l'éducation à l'environnement, notamment en accueillant le public et en animant des activités.

Toutes les actions entreprises dans la réserve naturelle sont encadrées par un plan de gestion établi pour une période de 10 ans. De nombreuses actions sont axées sur la connaissance approfondie de la biodiversité de la réserve et de ses environs, en portant une attention particulière à tous les taxons et groupes qu'elle peut abriter.

De plus, nous attachons une grande importance au rôle de la réserve dans la participation à des programmes d'étude à plus grande échelle que notre site, afin de contribuer à des recherches plus globales. Il était donc naturel pour nous de participer à ce projet de suivi sur un taxon relativement méconnu, bénéficiant d'une portée nationale et reposant sur des sciences participatives, à la fois sur le plan pédagogique et scientifique Je m’étais déjà intéressé au projet Lépinoc en 2022, mais malheureusement le programme était déjà « complet ». Je suis donc heureux que ce programme perdure et de pouvoir y participer cette année.

Frédéric, qu’est-ce qui vous a encouragé à prendre part à l’aventure Lépinoc il y a trois ans, et quelles sont les principales observations que vous avez pu réaliser depuis grâce à ce dispositif ?

La Maison Paris Nature a pour mission de sensibiliser le public aux sciences participatives, c'est pourquoi il était essentiel pour nous de contribuer à la création de ce dispositif dédié aux Lépidoptères nocturnes, qui sont largement méconnus du grand public. Cette participation nous a déjà permis d'enrichir notre liste d'espèces répertoriées à Paris.

En 2023, vous en êtes à votre troisième participation à Lépinoc, dispositif que vous avez installé au cœur du Parc Floral de Paris (situé en lisière du Bois de Vincennes). Est-ce que certaines de vos observations vous ont particulièrement étonné ?

En raison de l'absence de spécialistes dédiés aux papillons de nuit au sein de notre équipe, nous n'avions pas d'attentes particulières quant aux observations. À première vue, les espèces photographiées avec le dispositif semblent être assez communes, cependant, nous sommes extrêmement satisfaits d'avoir des données concrètes sur leur présence et leur fréquence d'observation.

Tristan, Lépinoc célèbre sa troisième édition cette année. En 2021, nous avons testé le dispositif et photographié près de 10.000 papillons nocturnes en Île-de-France. En 2022, nos efforts se sont concentrés sur l’amélioration des outils de reconnaissance des papillons photographiés. Cette année, nous avions pour ambition d’étendre le réseau des participants à Lépinoc au territoire national, nous sommes alors très heureux de compter la Réserve naturelle nationale de l’étang noir parmi les nouveaux participants.

Quelles sont les attentes que vous nourrissez vis-à-vis de Lépinoc et comment allez-vous organiser votre participation ?

La réserve de l'Étang Noir est gérée par le syndicat mixte de gestion des milieux naturels, qui est également responsable de la gestion de deux autres réserves naturelles nationales dans le département des Landes : le marais d'Orx et le site d'Arjuzanx. Les principales missions des réserves consistent à protéger, gérer et faire découvrir les sites naturels. Le programme Lépinoc contribue à deux de ces missions que nous soutenons activement.

 

Tout d'abord, sur le plan pédagogique, Lépinoc est un outil de sensibilisation qui permet de mettre en lumière une partie de la biodiversité méconnue du public, tout en favorisant la participation citoyenne (en impliquant les élus, les acteurs locaux et le public). Ensuite, du point de vue scientifique, ce programme offre une opportunité d'améliorer nos connaissances et de réaliser des suivis plus standardisés sur ce groupe.

Cette année, les trois réserves sont impliquées dans la mise en place du suivi Lépinoc, afin de tester le dispositif et de surveiller des milieux représentatifs de chaque réserve.

 


Frédéric, Lépinoc est un programme imaginé de toutes pièces par Noé, avec le concours de ses partenaires techniques et financiers. Que pensez-vous aujourd’hui des outils, des animations, des protocoles mis en place par Noé ?

Je trouve que l’animation du programme Lépinoc est très bien menée par l’équipe de Noé. L’utilisation des différents outils tels que le dispositif, l’application smartphone et la plateforme Internet est très facile et les tutoriels vidéo sont très clairs.


Frédéric, Lépinoc s’intéresse aux papillons de nuit dont l’état des connaissances est aujourd’hui très faible, alors qu’ils représentent près de 95% des espèces de papillons (ndlr : il existe près de 5000 espèces de papillons en France, soit cinq fois plus que d’espèces d’abeilles).

Diriez vous qu’à l’échelle de la ville de Paris, vous constatez un plus grand intérêt envers la protection des papillons, nocturnes comme diurnes, et que Lépinoc peut à terme être un bon outil pour orienter des actions publiques en faveur de la protection de ces insectes?

Un des objectifs de la Direction des Espaces Verts et de l'Environnement de la Ville de Paris est d'améliorer le cadre de vie des parisiens en favorisant la création de milieux naturels plus attractifs pour la biodiversité. En améliorant nos connaissances sur les papillons de nuit, nous serons en mesure d'avoir une meilleure compréhension de notre environnement urbain. Cela nous permettra de poursuivre nos efforts pour adapter nos dispositifs d'éclairage en mettant en place des trames noires, qui sont conçues spécifiquement pour soutenir les espèces nocturnes.

Tristan, La pollution lumineuse est un sujet étroitement lié à la protection des insectes pollinisateurs nocturnes, comme les papillons. On sait aujourd’hui que les lumières artificielles dans nos villes par exemple, agissent comme des pièges pour les insectes nocturnes qui ont pour effet d’entraîner une incapacité pour eux à adopter des comportements vitaux ou à accomplir leur cycle biologique. La pollution lumineuse serait aussi à l’origine de changements physiologiques chez ces insectes (stérilisation des mâles, suppression des phéromones sexuelles des femelles).

Quel regard portez-vous sur ce phénomène croissant de la pollution lumineuse ? Le dispositif Lépinoc vous aide-t-il ou pourrait-il vous aider à évaluer les conséquences de cette pollution ?

Nous sommes vigilants vis-à-vis de ces questions et essayons de sensibiliser les acteurs et élus qui sont globalement ouverts et à l’écoute sur ces problématiques. Des communes prennent déjà des initiatives concernant l’éclairage public (extinction plus tôt, type d’éclairage orienté…).

Nous n'avons pas spécifiquement réfléchi sur l'utilisation du dispositif dans cet usage, mais j’imagine qu'à une échelle plus large en sélectionnant des sites et un protocole adapté, il pourrait surement apporter des informations intéressantes sur ces questions.


Une étude britannique reprise en début d’année dans le magazine People & Nature affirme que participer à un programme de sciences participatives, en particulier en matière de biodiversité, améliore le bien-être des participants. Qu’en pensez-vous ? Est-ce un constat que vous partagez pour Lépinoc ou pour d’autres sciences participatives auxquelles vous prendriez part ?

Participer à un programme de sciences participatives rend acteur. On investit un temps, souvent assez court, pour « apporter sa pierre à l’édifice ». On œuvre pour quelque chose de plus grand, de collectif, ce qui je pense peut amener ce sentiment d'utilité. Ce sentiment est d’autant plus légitime que la donnée récoltée a une réelle importance pour nous, nous savons que nous manquons globalement de données et qu’il est difficile d’être partout pour les acquérir.

Les programmes de sciences participatives sur la biodiversité nous permettent simplement de nous reconnecter avec notre environnement, de prendre conscience de ce qui nous entoure. S'arrêter, prendre le temps, observer, écouter… Je pense par exemple au programme SPIPOLL (le site du Muséum national d’Histoire naturelle regorge de tout un tas de suivis participatifs aussi diversifiés que de groupes d’espèces). Ce suivi permet de poser un instant, on choisit simplement une plante, on prend son téléphone, son appareil photo peu importe…  Et là, on peut découvrir les espèces qui se succèdent, nous émerveiller ou simplement contempler cette diversité tout en recevant les histoires qu'elles racontent.

Nous exprimons notre sincère gratitude à Frédéric Jarry et Tristan Berry pour leur disponibilité et leur précieuse contribution au programme Lépinoc.

                     

Vous souhaitez  en savoir plus et envisager une participation de votre site en 2024, contactez Olivia Izquierdo à oizquierdo@noe.org et/ou adresser nous un mail à lepinoc@noe.org pour être inscrit à la lettre d’informations de Lépinoc !
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