Bio et Haute valeur environnementale, pas de comparaison sans explication

Cette semaine, Le Monde publie un article intitulé « Des traces de pesticides dans des vins certifiés « Haute valeur environnementale ». Pour ceux qui commencent à voir apparaître le nouveau logo HVE sur certains produits alimentaires, ce constat peut inquiéter. Pour Noé, cette certification, avec ses atouts et ses limites, a le mérite de donner de l’importance à la biodiversité au niveau de la production agricole. Nous vous proposons donc un éclairage pour mieux comprendre ce label, et profitons de l’occasion pour y apporter notre regard « biodiversité ».
© Thierry Le Quay / Biosphoto
18 septembre 2020
Cette semaine, Le Monde publie un article intitulé « Des traces de pesticides dans des vins certifiés « Haute valeur environnementale » et suggère une comparaison avec le bio, en faveur du label AB. Pour ceux qui commencent à voir apparaître le nouveau logo HVE sur certains produits alimentaires, cette information peut inquiéter. Pour Noé, cette certification, avec ses atouts et ses limites, a le mérite de donner de l’importance à la biodiversité au niveau de la production agricole. Nous vous proposons donc un éclairage pour mieux comprendre ce label, et profitons de l’occasion pour y apporter notre regard « biodiversité ».

Dans son article du 15 septembre, Le Monde précise notamment que contrairement au bio, « cette certification [la HVE] ne garantit pas le non-recours aux pesticides », entretenant une ambiguïté. D’une part, le bio ne fait pas non plus cette promesse (il interdit les pesticides de synthèse, mais autorise les pesticides d’origine naturelle). D’autre part, l’information est présentée de manière particulièrement dépréciative pour la HVE, en ne précisant par exemple que dans le dernier tiers de l’article que les taux de molécules détectés sont « très largement inférieurs » aux limites autorisées. Ces chiffres ne révèlent pas le moindre danger aux yeux de la réglementation.

Pour Noé, toute démarche soucieuse de réduire l’impact de l’agriculture sur la biodiversité doit être soutenue, ce qui n’empêche évidemment pas de faire l’objet d’une démarche de progrès continu. Il est sans doute contre-productif d’en discréditer une (HVE), même pour mettre en avant une autre (AB)… Nous souhaitons avant tout que les efforts de chacun soient expliqués et valorisés à leur juste valeur.

Ne pas décrédibiliser la HVE (même si on peut toujours faire mieux !)


D’après le ministère, la certification HVE « répond au besoin de reconnaître les exploitations engagées dans des démarches particulièrement respectueuses de l’environnement ». Comme on le comprend en analysant le détail des critères d’évaluation (voir encadré), ces démarches ne passent pas forcément par la suppression des pesticides. Il s’agit plutôt d’une logique agroécologique consistant à réduire les intrants et à favoriser le fonctionnement des écosystèmes et donc les fonctions écologiques rendant des services à l’agriculture. C’est le cas des haies accueillant les auxiliaires des cultures (ex : larves de coccinelles) permettant des réguler naturellement les populations de ravageurs (ex : pucerons).

Cette certification apparait aujourd’hui, selon les types de productions, plus ou moins exigeante. Les viticulteurs ont par exemple une certaine facilité à obtenir la certification grâce à la voie B, qui impose de faire passer le poids des intrants dans la construction du chiffre d’affaires sous un certain seuil. En effet, la vigne est à l’origine de produits à haute valeur ajoutée, et du fait du faible nombre d’intermédiaires, les producteurs respectent plus aisément ce seuil que les exploitants d’autres filières. Une autre interrogation porte sur l’échelle utilisée pour estimer la proportion d’infrastructures agroécologiques (haies, mares, etc.). Elle apparait peu exigeante et ne permet pas de distinguer des exploitations présentant une quantité remarquable de ces éléments du paysage.

Néanmoins, les critères de la certification HVE impliquent un changement de pratiques exigeant pour la majorité des exploitations agricoles et représentent une marge de progrès intéressante par rapport à l’agriculture « conventionnelle » (terme qui couvre, en soi, une grande diversité de modes de production…). Ainsi, France Stratégie, organisme d’expertise placé auprès du Premier Ministre, a récemment publié un rapport indiquant, selon leur système de notation, un « très haut niveau d’exigence environnementale », comparé à de nombreux autres cahiers des charges (1).

Le bio aussi essaye d’améliorer son approche de la biodiversité


La comparaison de la HVE avec la bio, suggérée par le Monde, nécessite de rappeler ce qu’implique le cahier des charges « AB » (voir encadré). Dans les faits, la bio implique bien un changement global dans les pratiques agricoles. Par exemple, pour ne pas avoir à recourir aux pesticides de synthèse, les agriculteurs bio ont recours à une grande diversité de cultures et favorisent les haies, bandes enherbées, etc. afin de bénéficier des régulations naturelles. Le label s’appuie aussi sur des produits de protections des cultures « naturels ». Mais ceux-ci ne sont pas exempts de suspicions quant à leur potentiel impact négatif sur les écosystèmes. Le Label Bee Friendly interdit par exemple l’utilisation du Spinosad (2) pourtant autorisé en AB. L’Union Européenne envisage, depuis plusieurs années, de réduire drastiquement les quantités de cuivre (fongicide naturel) autorisées, en raison de ses impacts sur la biodiversité du sol et des milieux aquatiques.

Par ailleurs, le cahier des charges de l’AB n’évalue pas aujourd’hui les autres pratiques qui peuvent pourtant interagir avec la biodiversité (notamment les infrastructures agroécologiques), contrairement à la voie A de la certification HVE. Les acteurs de la bio sont d’ailleurs conscients des possibilités d’aller plus loin, et étudient activement les moyens qui permettraient de renforcer les garanties pour la biodiversité.

Deux approches à ne pas opposer


HVE et AB sont deux manières de rentrer dans une démarche de transition agroécologique. L’AB est la démarche la plus soutenue par les subventions publiques et par la consommation avec des prix bien au-dessus des produits « conventionnels ». Néanmoins, le marché est loin de pouvoir absorber la transition de tous les agriculteurs en AB à ce jour. La HVE présente une alternative aux agriculteurs qui ne souhaitent ou ne peuvent pas totalement se priver des pesticides de synthèse, mais s’engagent néanmoins dans une démarche de progrès. Si certains niveaux d’exigence interrogent, Noé encourage, comme l’AB, le développement de cette certification qui pourrait fédérer de nombreux producteurs.

Que ce soit pour l’AB, la HVE, ou d’autres labels, nous ne pouvons qu’encourager les consommateurs à se renseigner sur les pratiques agricoles qui se cachent derrière, et ainsi à connaître la diversité des leviers qu’ils souhaitent actionner, via leurs achats alimentaires, pour soutenir la transition agroécologique.

Enfin, sur le terrain, quelle que soit la démarche ou le cahier des charge, Noé encourage et accompagne la mise en place de suivis de biodiversité. C’est pour nous le seul moyen de garantir les effets positifs d'une démarche et de vérifier l’adéquation des pratiques à chaque contexte local.

Pour en savoir plus sur la certification HVE en viticulture. Et notre programme Fermes de Noé qui vise à accélérer la transition agroécologique des acteurs des filières agricoles et des territoires.




Quelles sont les exigences de la certification « Haute Valeur Environnementale » ?

Il y a deux « voies » possibles pour qu’une exploitation agricole obtienne cette certification portée par le ministère de l’agriculture (3). Dans les deux cas, on s’attache à vérifier que l’agriculteur fait des pesticides une utilisation qui peut être qualifiée de raisonnée, sans aller jusqu'à une interdiction totale. Cette évaluation se fait selon des critères différents dans les deux voies, afin de s’adapter à la diversité des cultures et des manières de cultiver le terrain. Par ailleurs, les deux voies accordent une place importante à la biodiversité

> L’option A : quatre thèmes sont évalués. En voici un petit descriptif :

La biodiversité. On observe en premier lieu la représentation suffisante sur l’exploitation des éléments du paysage appelés « infrastructures agroécologiques ». Il s’agit de toutes les zones du type haies, prairies, bandes fleuries, mares, etc. qui ne sont pas cultivées et constituent des habitats pour la biodiversité. Ce thème évalue également la diversité des cultures, qui favorise également le bon fonctionnement des écosystèmes agricoles.

La stratégie phytosanitaire. Ce critère s’intéresse à l’importance des surfaces qui ne sont pas traitées sur l’exploitation. Par ailleurs, on vérifie que les traitements sont moins fréquents par rapport aux habitudes de la Région dans laquelle se trouve l’exploitation, et que des pratiques alternatives à la lutte chimique sont développées. Indirectement, ce thème permet de s’assurer que l’agriculteur minimise la pression exercée par les pesticides sur la biodiversité.

La gestion de la fertilisation azotée. On vérifie que la fertilisation en azote est équilibrée et que des mesures sont mises en place pour favoriser la fertilisation « naturelle » des sols. Par exemple, elle valorise le choix, dans la rotation agricole, des légumineuses comme la luzerne, le pois-chiche, le lupin ou le trèfle qui, du fait de leur fonctionnement biologique, enrichissent naturellement le sol en azote. Comme précédemment, on évalue les moyens permettant de réduire la pression de la fertilisation azotée sur la biodiversité.

La gestion de l’irrigation. Si l’agriculteur irrigue ses parcelles, on s’attache principalement à vérifier qu'il met en place des pratiques culturales (ex : paillage, qui limite le phénomène d’évaporation) et du matériel (ex : goutte-à-goutte, pour limiter les quantités d’eau utilisées) pour économiser la ressource en eau.

> L’option B : deux indicateurs traduisent le niveau d’autonomie de l’exploitation vis-à-vis des intrants.

Il s’agit d’abord de l’importance des infrastructures agroécologiques déjà citées dans le thème « Biodiversité ». Ensuite, le poids des intrants (pesticides, fertilisants, etc.) dans le chiffre d’affaires.
Quelles sont les exigences du label bio ?

En production végétale, l’AB interdit l’usage de produits chimiques de synthèse et donc une bonne partie des pesticides et engrais. Seuls les produits d’origine naturelle sont autorisés, exceptés les produits utilisés dans les pièges contre les mouches des fruits, qui ne se diffusent pas dans l’environnement (4). Cette interdiction garantie une réduction importante des pressions sur la biodiversité.

Autrement dit, les productions certifiées AB n’ont pas reçu de pesticides « de synthèse », mais ont pu recevoir des traitements avec des pesticides dit naturels parfois désignés sous le terme de « biocontrôle ». En voici les principales catégories :
- Des substances actives naturelles ;
- Des médiateurs chimiques comme les phéromones pour la confusion sexuelle ;
- Des macro-organismes comme les coccinelles ou des microorganismes.

Sources :
(1) France Stratégie, Les performances économiques et environnementales de l’agroécologie, août 2020

(2) BEE FRIENDLY, Quelles exigences ? 

(3) Ministère de l’agriculture et de l’alimentation, Certification environnementale, mode d'emploi pour les exploitations, mise à jour juin 2020

(4) Agence BIO, Le bio en quelques mots.
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