la biodiversité face à l'hiver

Ecureuil roux sur une branche dans une coupe de bois © Jean-Michel Lenoir / Biosphoto

Aménager son jardin pour accueillir la biodiversité animale pendant l'hiver

L’hiver approche, et, avec lui, s’installe durablement le froid. Les animaux des jardins doivent ainsi redoubler d’efforts pour faire face au gel et à la raréfaction des denrées alimentaires. Pour faciliter le passage de l’hiver, il est possible de mettre en place des pratiques de jardinage visant à offrir des refuges ou de la nourriture à cette biodiversité. Pour les découvrir, nous vous proposons une nouvelle série sur les bons gestes à appliquer pour accueillir la faune sauvage pendant l’hiver, qui sera publiée sur le site Les Jardins de Noé.

              © Konrad Wothe / Friedrich Strauss / Biosphoto

31 octobre 2024

La création d’espaces et d’habitats pour accueillir la faune contribue à la création d’un écosystème équilibré dans les jardins, et favorise ainsi la pollinisation, la fertilité des sols ainsi que le contrôle des nuisibles. À l’approche de la saison hivernale, pendant laquelle la survie de nombreuses espèces se joue, l’aménagement d’espaces et d’habitats favorisant leur implantation peut s’avérer indispensable pour de nombreux animaux plongés dans des phases léthargiques ou de sommeils prolongés.


Hibernation, hivernation, diapause : comment les animaux passent-ils l’hiver ?


L’hibernation, l’hivernation et la diapause sont des stratégies évolutives mises au point par une partie des petits mammifères et des insectes pour survivre aux stress environnementaux accompagnant l’arrivée de l’hiver, à savoir la baisse des températures, la réduction de la photopériode (durée de luminosité) et la raréfaction des ressources alimentaires. Ces états se conçoivent comme des périodes de sommeils plus ou moins profond, voire de léthargie, permettant aux espèces animales d’économiser leur énergie pour pallier les risques de gel et d’inanition.

L’hibernation est un état d’endormissement profond, s’étalant en moyenne de novembre à février, pendant lequel l’ensemble des activités vitales d’un animal sont très fortement ralenties. Physiologiquement, l’état d’hibernation se caractérise par une réduction significative du fonctionnement métabolique, du rythme cardiaque, de la respiration, ainsi que par une importante diminution de la température corporelle. Afin de survivre dans cet état léthargique, les petits mammifères tels que les hérissons, les loirs, les marmottes ou encore les chauve-souris accumulent des réserves de graisse pendant la période pré-hivernale. Ces réserves pourront fournir les nutriments et l’énergie suffisante pour subvenir aux besoins physiologiques minimum du corps. Une étude effectuée sur une dizaine de hérissons (Erinaceus europaeus) adultes et juvéniles dans la campagne danoise en 2004, a permis de montrer que les hérissons, à l’entrée de l’hibernation, devaient au moins peser 513 grammes pour survivre à l’hiver et qu’ils perdaient en moyenne 20 à 30% de leur masse pendant leur léthargie. 

L’hivernation se distingue de l’hibernation en ce que, malgré un ralentissement des activités physiologiques du corps, les animaux hivernant restent actifs : ils sont capables de se déplacer, de chercher de la nourriture, de se nourrir, ou encore de se reproduire. De même, à l’inverse des hibernants, leur température corporelle ainsi que leur rythme cardiaque ne diminuent que très peu, ce qui leur permet de rester à l’affut des éventuels dangers.

Si les mammifères hibernants font l’objet de phases de réveil pouvant durer quelques heures, les insectes plongés dans un état de diapause n’en sont pas capables. La diapause peut se définir comme un état léthargique pendant lequel l’ensemble des activités vitales d’un insecte sont très fortement ralenties. Tout comme les mammifères, les insectes connaissent une phase de nutrition intensive pendant la période pré-hivernale, lors de laquelle ils se nourrissent abondamment de sèves, de nectar et de fruits pourris. Les graisses et les nutriments emmagasinés permettent aussi bien d’assurer le fonctionnement minimal du métabolisme des insectes, que de créer des substances (glycérol ou sorbitol) empêchant l’hémolymphe, c’est-à-dire l’équivalent des insectes, de geler. Certains papillons adultes, comme le Morio d’Alaska (Nymphalis antiopa), peuvent ainsi résister à des températures avoisinant les -30°C. 

Les bons gestes pour abriter la biodiversité animale : principes généraux


Si les espèces animales ont mis au point des stratégies physiologiques leur permettant de passer l’hiver, la mise en place de pratiques de jardinage peuvent favoriser l’implantation et la survie de cette biodiversité pendant l’hiver.

Cette nouvelle série, sur les gestes à adopter pour accueillir la faune sauvage dans vos jardins pendant la mauvaise saison, visera à vous partager des conseils et des recommandations pour aménager vos jardins de manière à favoriser l’implantation des espèces passant l’hiver. Des plantes-hôtes accueillant les larves de papillons en état de diapause aux abris à prévoir pour permettre l’hibernation des hérissons, en passant par la question de la supplémentation des oiseaux et des pratiques de jardinages aidant les populations souterraines, cette série d’article vous accompagnera dans la mise en place d’abris et de pratiques de jardinage favorisant la survie de la biodiversité animale.

Pour introduire cette série, il est d’abord impératif de souligner que réveiller un animal en période d’hibernation ou de diapause peut mener à sa mort : le réveil demande une énergie considérable aux petits mammifères pour réchauffer leur corps, relancer leur métabolisme ainsi que leur rythme cardiaque. Une chauve-souris devrait ainsi puiser une importante quantité d’énergie dans ses réserves de graisse pour faire passer son rythme cardiaque de 10 battements/minute en hibernation à 400 battements/minute. Dans cette mesure, il est nécessaire de prêter attention aux endroits dans lesquels les insectes et les petits mammifères sont susceptibles de s’abriter pendant l’hiver afin de ne pas les déranger.  Les tas de bois et de feuilles forment, par exemple, des espaces dans lesquels les hérissons ou les petits rongeurs peuvent s’abriter : éviter de nettoyer son jardin ou aménager un endroit pour stocker le bois et les feuilles mortes sont ainsi conseillés pour accueillir la faune hibernante. De la même manière, une partie des insectes passe l’hiver sur leur plante-hôte, c’est-à-dire une plante qui accueille des insectes à l’état larvaire (papillons, coccinelles…) et participe à leur développement en leur fournissant la nourriture nécessaire pour muer et se métamorphoser. À nouveau, lorsque vient le moment de nettoyer son jardin ou de tailler, il est important de prêter attention aux espèces susceptibles d’y être présente : des chenilles comme celles des Mars changeants (Nymphalidae Apatura) peuvent ainsi être reconnues grâce à la feuille qu’elles ligaturent sur la branche leur servant d’abri.

Les pratiques de supplémentation doivent également faire l’objet de prudence. Que ce soit les oiseaux ou même les écureuils, il est primordial de supplémenter leur alimentation avec des produits issus de l’agriculture biologique correspondant à leurs régimes alimentaires saisonniers, et de respecter la durée de l’aide alimentaire, s’étendant généralement de novembre à mars. La supplémentation comporte également des risques sanitaires de développement et de transmission de virus qui nécessitent des nettoyages réguliers. Le prochain article de la série portera spécifiquement sur les bonnes pratiques à adopter pour supplémenter les oiseaux et concevoir des mangeoires adaptées à leur besoin. 

sources

DIETZ Christian et al., L’encyclopédie des chauves-souris d’Europe et d’Afrique du Nord, Delachaux et Niestlé, 2009.

JENSEN Anja B., « Overwintering of European hedgehogs Erinaceus europaeus in a Danish rural area ». Acta theriologica, 49 (2), 145–155.

« Fiche médiation faune sauvage : Nourrissage – aout 2024 », Ligue Protectrice des Oiseaux, 2024. 

LANFRANCHIS Tristan et al., La vie des papillons. Écologie, biologie et comportement des rhopalocères de France, Diatheo, 2015.

« Les nids du hérisson (partie 2) : 5 astuces pratiques », France Nature Environnement, 9 novembre 2022. 

« Sur l’opportunité de nourrir les oiseaux des jardins en période de reproduction », Groupe de travail du Conseil Scientifique et Technique de la Ligue Protectrice des Oiseaux.

« Quelle différence entre l’hivernation et l’hibernation ? », Museum National d’Histoire Naturelle, novembre 2023.

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