La création d’espaces et d’habitats pour accueillir la faune contribue à la création d’un écosystème équilibré dans les jardins, et favorise ainsi la pollinisation, la fertilité des sols ainsi que le contrôle des nuisibles. À l’approche de la saison hivernale, pendant laquelle la survie de nombreuses espèces se joue, l’aménagement d’espaces et d’habitats favorisant leur implantation peut s’avérer indispensable pour de nombreux animaux plongés dans des phases léthargiques ou de sommeils prolongés.
Hibernation, hivernation, diapause : comment les animaux passent-ils l’hiver ?
L’hibernation, l’hivernation et la diapause sont
des stratégies évolutives mises au point par une partie des petits mammifères et
des insectes pour survivre aux stress environnementaux accompagnant l’arrivée
de l’hiver, à savoir la baisse des températures, la réduction de la
photopériode (durée de luminosité) et la raréfaction des ressources
alimentaires. Ces états se conçoivent comme des périodes de sommeils plus ou
moins profond, voire de léthargie, permettant aux espèces animales d’économiser
leur énergie pour pallier les risques de gel et d’inanition.
L’hibernation est un état d’endormissement profond,
s’étalant en moyenne de novembre à février, pendant lequel l’ensemble des
activités vitales d’un animal sont très fortement ralenties. Physiologiquement,
l’état d’hibernation se caractérise par une réduction significative du
fonctionnement métabolique, du rythme cardiaque, de la respiration, ainsi que
par une importante diminution de la température corporelle. Afin de survivre
dans cet état léthargique, les petits mammifères tels que les hérissons, les
loirs, les marmottes ou encore les chauve-souris accumulent des réserves de
graisse pendant la période pré-hivernale. Ces réserves pourront fournir les
nutriments et l’énergie suffisante pour subvenir aux besoins physiologiques
minimum du corps. Une étude effectuée sur une dizaine de hérissons (Erinaceus
europaeus) adultes et juvéniles dans la campagne danoise en 2004, a permis
de montrer que les hérissons, à l’entrée de l’hibernation, devaient au moins
peser 513 grammes pour survivre à l’hiver et qu’ils perdaient en moyenne 20 à
30% de leur masse pendant leur léthargie.
L’hivernation se distingue de l’hibernation en ce
que, malgré un ralentissement des activités physiologiques du corps, les
animaux hivernant restent actifs : ils sont capables de se déplacer, de
chercher de la nourriture, de se nourrir, ou encore de se reproduire. De même,
à l’inverse des hibernants, leur température corporelle ainsi que leur rythme
cardiaque ne diminuent que très peu, ce qui leur permet de rester à l’affut des
éventuels dangers.
Si les mammifères hibernants font l’objet de
phases de réveil pouvant durer quelques heures, les insectes plongés dans un
état de diapause n’en sont pas capables. La diapause peut se définir comme un
état léthargique pendant lequel l’ensemble des activités vitales d’un insecte
sont très fortement ralenties. Tout comme les mammifères, les insectes
connaissent une phase de nutrition intensive pendant la période pré-hivernale, lors
de laquelle ils se nourrissent abondamment de sèves, de nectar et de fruits pourris.
Les graisses et les nutriments emmagasinés permettent aussi bien d’assurer le
fonctionnement minimal du métabolisme des insectes, que de créer des substances
(glycérol ou sorbitol) empêchant l’hémolymphe, c’est-à-dire l’équivalent des
insectes, de geler. Certains papillons adultes, comme le Morio d’Alaska (Nymphalis
antiopa), peuvent ainsi résister à des températures avoisinant les -30°C.
Les bons gestes pour abriter la biodiversité animale : principes généraux
Si les espèces animales ont mis au point des stratégies physiologiques leur permettant de passer l’hiver, la mise en place de pratiques de jardinage peuvent favoriser l’implantation et la survie de cette biodiversité pendant l’hiver.
Cette nouvelle série, sur les gestes à adopter
pour accueillir la faune sauvage dans vos jardins pendant la mauvaise saison,
visera à vous partager des conseils et des recommandations pour aménager vos
jardins de manière à favoriser l’implantation des espèces passant l’hiver. Des
plantes-hôtes accueillant les larves de papillons en état de diapause aux abris
à prévoir pour permettre l’hibernation des hérissons, en passant par la
question de la supplémentation des oiseaux et des pratiques de jardinages
aidant les populations souterraines, cette série d’article vous accompagnera
dans la mise en place d’abris et de pratiques de jardinage favorisant la survie
de la biodiversité animale.
Pour introduire cette série, il est d’abord
impératif de souligner que réveiller un animal en période d’hibernation ou de
diapause peut mener à sa mort : le réveil demande une énergie considérable
aux petits mammifères pour réchauffer leur corps, relancer leur métabolisme ainsi
que leur rythme cardiaque. Une chauve-souris devrait ainsi puiser une
importante quantité d’énergie dans ses réserves de graisse pour faire passer
son rythme cardiaque de 10 battements/minute en hibernation à 400
battements/minute. Dans cette mesure, il est nécessaire de prêter attention aux
endroits dans lesquels les insectes et les petits mammifères sont susceptibles
de s’abriter pendant l’hiver afin de ne pas les déranger. Les tas de bois et de feuilles forment, par
exemple, des espaces dans lesquels les hérissons ou les petits rongeurs peuvent
s’abriter : éviter de nettoyer son jardin ou aménager un endroit pour
stocker le bois et les feuilles mortes sont ainsi conseillés pour accueillir la
faune hibernante. De la même manière, une partie des insectes passe l’hiver sur
leur plante-hôte, c’est-à-dire une plante qui accueille des insectes à l’état
larvaire (papillons, coccinelles…) et participe à leur développement en leur
fournissant la nourriture nécessaire pour muer et se métamorphoser. À nouveau,
lorsque vient le moment de nettoyer son jardin ou de tailler, il est important
de prêter attention aux espèces susceptibles d’y être présente : des
chenilles comme celles des Mars changeants (Nymphalidae Apatura) peuvent
ainsi être reconnues grâce à la feuille qu’elles ligaturent sur la branche leur
servant d’abri.
Les pratiques de supplémentation doivent également
faire l’objet de prudence. Que ce soit les oiseaux ou même les écureuils, il
est primordial de supplémenter leur alimentation avec des produits issus de
l’agriculture biologique correspondant à leurs régimes alimentaires
saisonniers, et de respecter la durée de l’aide alimentaire, s’étendant
généralement de novembre à mars. La supplémentation comporte également des
risques sanitaires de développement et de transmission de virus qui nécessitent
des nettoyages réguliers. Le prochain article de la série portera
spécifiquement sur les bonnes pratiques à adopter pour supplémenter les oiseaux
et concevoir des mangeoires adaptées à leur besoin.
sources
DIETZ Christian et al., L’encyclopédie
des chauves-souris d’Europe et d’Afrique du Nord, Delachaux et Niestlé,
2009.
JENSEN Anja B., « Overwintering of European
hedgehogs Erinaceus europaeus in a Danish rural area ». Acta
theriologica, 49 (2), 145–155.
« Fiche médiation
faune sauvage : Nourrissage – aout 2024 », Ligue Protectrice des
Oiseaux, 2024.
LANFRANCHIS Tristan et al., La
vie des papillons. Écologie, biologie et comportement des rhopalocères de
France, Diatheo, 2015.
« Les nids du hérisson
(partie 2) : 5 astuces pratiques », France Nature Environnement, 9
novembre 2022.
« Sur l’opportunité de
nourrir les oiseaux des jardins en période de reproduction », Groupe de
travail du Conseil Scientifique et Technique de la Ligue Protectrice des
Oiseaux.
« Quelle différence entre l’hivernation et l’hibernation ? », Museum National d’Histoire Naturelle, novembre 2023.