Le gouvernement communique depuis fin juin sur la baisse des ventes de produits phytosanitaires entre les années 2018 et 2019. Une baisse de 44 % qualifiée de « sensible », et analysée par le ministère de l’Agriculture comme révélateur des « premiers effets des mesures engagées par le gouvernement depuis 2018 afin de réduire l’utilisation des produits phytosanitaires. » Le commentaire du ministère concernant la hausse de la taxe pour pollution diffuse, appliquée aux phytos, est moins explicite (1)… C’est pourtant là que se situe un éclairage important sur cette baisse des ventes de pesticides.
Quand l’augmentation d’une taxe crée un biais
Cette taxe, la TPD, a connu une importante hausse en 2019. Avertis de cette hausse, les agriculteurs et structures agricoles ont, pour beaucoup, fait des stocks importants sur 2018 pour ne pas subir l’augmentation de la TPD. En clair, certains agriculteurs ont acheté peu de produits sur 2019… car ils en avaient dans leur réserve. Il apparaît évident que cette séquence vient peser très clairement sur le chiffre mis en avant par le gouvernement. Cette logique s’applique évidemment sur la hausse des ventes de phytos constatée entre 2017 et 2018 (+ 18 %), pour exactement la même raison : 2018 ayant été une année de « stock » pour les agriculteurs, ils ont donc acheté beaucoup plus que ce qu’ils ont utilisé.Conclusion ? Les chiffres de 2018 et 2019 sont en grande partie artificiels et différemment interprétables selon les points de vue. Ceux qui crient victoire aujourd’hui, estimant que les « - 44 % » concrétisent une réduction durable des usages de pesticides, se trompent tout autant que ceux qui se sont alarmés des « + 18 % » l’année précédente, condamnant parfois très durement un secteur agricole selon eux incapable de se passer des pesticides. Cette succession de chiffres amène finalement à s’interroger sur la pertinence du volume des ventes de produits phytosanitaires sur une année.
Se fier à des indicateurs plus concrets
Plus éclairant serait sans doute le chiffre du volume de pesticides réellement épandus sur l’année. Encore que… toutes les années ne sont pas comparables. Le climat, notamment, et de plus en plus, imprime une influence marquée sur la dynamique des maladies et des ravageurs de culture. Si une année difficile suit une année plus favorable, même le plus écolo des agriculteurs protégera davantage ses parcelles. Ça ne signifie pas qu’il travaille moins bien.Pour Noé, c’est la dynamique globale qui importe, au-delà de chiffres ponctuels et pas toujours bien contextualisés… Les pesticides ont un impact sur les écosystèmes. C’est à ces impacts qu’il faut s’intéresser, ce sont eux qu’il faut être capable de mesurer. Une tâche complexe à laquelle nous nous attelons, avec l’aide et la contribution indispensables des acteurs du monde agricole, premiers concernés et premiers à agir. Dans le cadre du Club AGATA, en partenariat avec CDC Biodiversité et nos adhérents issus des filières agro-alimentaires, nous avons sélectionné une liste d’indicateurs pour mesurer au mieux l’état des écosystèmes agricoles, et les impacts, positifs ou négatifs, de l’agriculture sur ces derniers. L’un de ces indicateurs, l’indice de fréquence de traitement (IFT) est spécifiquement centré sur les usages de pesticides, avec une approche concrète, par exploitation agricole. Un bon moyen, pour l’agriculteur, de situer ses pratiques et de progresser !
(1) « Ces évolutions à la baisse compensent totalement l’augmentation des ventes en 2018, intervenue juste avant la hausse de la redevance pour pollution diffuse intervenue au 1er janvier 2019. »