Le parasitisme, qu'est-ce que c'est ?
Avez-vous déjà vu une tique s’accrocher à votre peau ou à celle de vos animaux de compagnie ? Elle profite du sang de ses victimes pour se développer, au détriment de son hôte. Ce type de relation s’appelle le parasitisme. Il existe plusieurs sortes de relations biotiques dans le monde vivant, parfois bénéfiques pour les deux espèces comme le mutualisme qui est favorable pour les deux espèces ou le commensalisme qui n’apporte pas d’avantage particulier à l’une des deux.Ce n’est toutefois pas le cas du parasitisme. En effet, une espèce appelée parasite profite des ressources, de nourriture et d’un abri aux dépens d’une autre espèce appelée hôte.
Chez les papillons, ces relations peuvent avoir lieu à divers stades du développement, de l’œuf à l’adulte en passant par la larve. Pour les organismes parasites, le but n’est pas de tuer l’hôte, ils n’en retireraient aucun avantage, mais bien de profiter de lui. Mais parfois, la mort de l’individu hôte est inévitable au vu de l’ampleur de la colonisation. Dans ce cas-ci, les être parasites sont appelés parasitoïdes : ils se développent ainsi au détriment de leur hôte, qui le paye de sa propre vie.
On distingue aussi deux types de développement : l’endoparasitisme et l’ectoparasitisme. Le premier désigne un développement à l’intérieur de l’hôte tandis que le deuxième survient uniquement lorsque le parasite utilise l’enveloppe externe de son hôte. Cela peut sembler barbare mais il en va de la survie de l’espèce. On peut également y voir un avantage pour la régulation des espèces hôtes, une sorte d’équilibre biologique.
Vampires, momies, zombies, bienvenue chez les parasitoïdes !
Parfois, le parasite se transforme en parasitoïde et provoque la mort de l’organisme hôte. C’est ce qui se passe entre les chenilles de papillons et des espèces de petites guêpes. On observe déjà un cas de parasitisme entre des chenilles de papillons et des espèces de fourmis [1].
Mais parfois, une autre espèce s’invite également à la fête : une petite guêpe, Ichneumon emerus. Cela commence d’abord lorsque ces hyménoptères localisent des fourmis grâce à leur odeur particulière. Elle entre dans la fourmilière et alors qu’elle se fait attaquer par les fourmis, elle libère une substance chimique qui incite les fourmis à se battre entres elles. Profitant du capharnaüm, elle se dirige vers la chenille et pond directement ses œufs dans le corps de celle-ci, condamnée à une mort lente, rongée par les larves d’Ichneumon.
Le cas le plus fréquent se déroule entre une petite espèce de guêpe (Hyposoter horticola) et le Mélitée du plantain (Melitaea cinxia).
L’hyménoptère a une tactique sinistre pour pénétrer à l’intérieur de son hôte : après avoir surveillé les œufs des papillons, la guêpe femelle pond les siens à l’intérieur juste avant que la minuscule chenille n’éclose. Les petites guêpes se développent petit à petit dans le corps de la chenille en se cachant dans sa chair. Elles absorbent les nutriments de son hôte et boivent son sang tout en le maintenant en vie en évitant soigneusement les dommages sur les organes vitaux. Puis, elles font une poussée de croissance et mangent tout le contenu de son corps. Quand les larves sont prêtes à éclore, elles libèrent des produits chimiques qui paralysent la chenille pendant qu’elles découpent sa peau grâce à des dents semblables à des mini-scies. Elles tissent ensuite leur propre cocon pour se nymphoser avant de devenir des adultes. Les pauvres chenilles colonisées, si elles ne meurent pas dévorées, sont achevées lors de la période de tissage du cocon.
Cela est assez fréquent chez les chenilles, certains petits insectes s’attaquant et détruisant leurs hôtes puis les dévorant alors qu’ils sont encore vivants. C’est en effet le cas avec la Piéride du chou (Pieris brassica) qui est un hôte de la guêpe parasitoïde (Cotesia glomerata). Il s’agit de la même méthode : la guêpe pond ses œufs dans la chenille puis ceux-ci, après 15 à 20 jours, émergent en tuant leur hôte puis tissent leurs cocons autour du cadavre de la chenille.
Même si ces comportements peuvent paraitre horribles, cela est nécessaire pour la survie de ces espèces. Il est donc également nécessaire que leurs hôtes ne soient pas non plus menacés, auquel cas cela pourrait affecter le bon déroulement du cycle de vie des parasitoïdes. Pour certaines espèces, les larves n’attendent pas d’être sorties de la chenille pour se nymphoser. C’est notamment le cas pour les larves d’Ichneumon Hyposoter rhodocerae qui se nymphosent à l’intérieur du corps momifié de Citron (Gonepteryx rhamni) ou de Citron de Provence (Gonepteryx cleopatra).
Outre les larves, les œufs peuvent également être parasités.
C’est le cas du Flambé (Iphiclides podalirius) : alors que les chenilles et les chrysalides ne semblent pas parasités, les œufs eux subissent les attaques de petits hyménoptères parasitoïdes comme Anastasus bifasciatus. Ces petits insectes percent un trou dans l’œuf du papillon qui sont souvent ensuite mangés par d’autres prédateurs comme les sauterelles. Les œufs de Piéride du chou (Pieris brassicae) font également l’objet de parasitisme, là aussi par de hyménoptères du genre Trichogramme. Mais la technique est bien plus élaborée.
En effet, lors de l’accouplement, le mâle distille des phéromones que ces minuscules guêpes perçoivent et reconnaissent. Elles vont alors se cramponner à la femelle fécondée à la recherche d’une plante-hôte. Puis quand la femelle papillon pond ses œufs, le Trichogramme injecte directement les siens dans ceux de la Piéride du chou. Les embryons de Trichogramme étant oophages, ils vont rapidement couper tout accès aux ressources aux pauvres œufs qui vont finir par mourir et être dévoré par les embryons de Trichogramme ou par d’autres prédateurs comme les punaises.
Les pauvres chenilles ne sont pas uniquement les hôtes de parasites animaux mais également de parasites fongiques.
Les pauvres chenilles ne sont pas uniquement les hôtes de parasites animaux mais également de parasites fongiques.
Par exemple, le Cordyceps militaire (Cordyceps militaris) est un champignon entomophage qui se développe grâce au parasitisme. Ses hôtes préférés sont entre autres, les chenilles ou chrysalides de papillon comme la Processionnaire du pin (Thaumetopoea pityocampa) ou le Ver à soie (Bombyx mori) mais on trouve également d’autres espèces de lépidoptère et même d’autres champignons.
Ainsi, celui-ci colonise l’être vivant puis le momifie pour prendre sa place tout en épargnant le tissu qui recouvre le corps des chenilles afin de l’utiliser pour sa propre protection. Il est très étudié par les scientifiques car c’est un moyen efficace pour réguler les populations de Processionnaire du pin et de Processionnaire du chêne.
La flore est également un excellent allié pour les parasites souhaitant profiter de leurs hôtes.
En effet, quand la chenille se nourrit, certaines plantes comme le chou libèrent des produits chimiques dans l’air pour signaler qu’il se fait attaquer. Cette odeur attire de petites guêpes de la famille des Braconidés qui viennent pondre leurs œufs dans les chenilles.
Comme dans les exemples cités précédemment, les larves grandissent et se développent à l’intérieur de la chenille, en s’abreuvant notamment de son sang mais en la maintenant le plus longtemps possible en vie. Puis le moment venu, avec les petites dents qui leur servent de tranchoir elles percent la peau de la chenille précédemment paralysée par une substance des larves de guêpes. La chenille devient alors un véritable zombie au service des larves grâce à cette substance qui atteint progressivement son cerveau. Ironie du sort, le plus grand danger auquel font face les nouvelles larves est de se faire elles-mêmes parasiter par d’autres espèces de guêpes parasites. On assiste alors à de l’hyper-parasitisme puisque c’est au tour des larves nouvellement sortie du corps de la chenille de se faire parasiter.
Mais pour aller jusqu’au bout de son dévouement, la chenille va jouer un rôle de protectrice très utile pour ces larves en formant un cocon de soie autour d’elles. Chez une chenille non-parasitée, ce cocon de soie aurait été tissé pour se protéger elle, mais la substance injectée par les larves de guêpes la corrompt totalement, allant la faire jusqu’à sacrifier sa propre vie pour protéger celle de ses bourreaux. Son dévouement aura en effet raison d’elle puisqu’elle mourra finalement de faim après avoir bataillé du matin au soir pour protéger son cocon. Les larves mettront entre 7 et 10 jours à se développer dans leur cocon avant d’émerger sous la forme de guêpes adultes. Au total, leur cycle d’évolution aussi efficace qu’effrayant aura duré entre 22 et 30 jours.
Comme nous venons de le voir, l’hyper-parasitisme peut également être présent avec cette fois-ci les petits hyménoptères comme victime. Un des cas les plus représentatifs de ce phénomène se déroule entre Cotesia pieridis et un autre hyménoptère nommé Acrotyla. Après avoir découpé la peau de la pauvre chenille de Gazé (Aporia crataegi), les larves de Cotesia pieridis confectionnent leur cocon de soie entourant le cadavre de la chenille. Et c’est à ce moment qu’elles sont le plus vulnérables. Des femelles hyménoptères ne se privent pas de pondre à leur tour dans les cocons des larves de Cotesia qui connaitront le même sort que leur hôte.
Le parasitisme :quels effets ?
Le parasitisme entre espèces peut donc être un facteur de mortalité important et avoir des conséquences sur les populations.
C’est ce qui s’est passé en Australie avec le petit hyménoptère Cotesia glomerata, importé involontairement et qui a totalement éradiqué la Piéride du chou (Pieris brassicae). En Europe, plus de la moitié des chenilles de Piéride du chou est tuée par les larves de Cotesia glomerata. A l’inverse, le mode de vie de certains papillons a des conséquences sur le parasitisme.
Par exemple, la Belle-Dame (Vanessacardui) a ce qu’on appelle un complexe parasitoïde assez simple avec deux espèces assez spécialisées sur les papillons nymphalidés. En migrant, la Belle-Dame échappe temporairement au parasitisme. A cause de cette absence de plusieurs mois, les populations de parasitoïdes par manque d’hôtes chutent fortement. Puis la mouche Exorista segregata de la famille des Tachinidae ou Cotesia vanessae, un hyménoptère de la famille des Braconidés reviennent petit à petit. C’est lors du fort épisode migratoire de Belles-Dames de 2009 que les scientifiques ont pu échantillonner les stades immatures et les complexes parasitoïdes à travers l’aire de répartition du papillon. Ainsi quand les papillons sont arrivés et ont commencé à se reproduire dans les zones où ils étaient absents, le parasitisme global était faible, ce qui contraste avec la charge parasitaire très élevé avant leur migration.
Il a également été découvert que le parasite Cotesia vanessae était extrêmement abondant au début de l’hiver puis très rare sept mois plus tard, cela étant la conséquence de la faible survie du parasitoïde quand l’hôte devient indisponible.
Dans une autre étude réalisée dans le nord de l’Espagne, le taux de parasitisme calculé était de 18% au printemps contre 77% à la fin de l’été. Au Maroc, un des pays où les papillons passent l’hiver, seulement 13% des chenilles sont parasitées à la fin de l’automne puis ce pourcentage augmente progressivement pour atteindre 66% à la fin de l’hiver. L’absence d’hôtes induit donc, autant en Europe qu’en Afrique du nord, une chute des effectifs de parasitoïdes en particulier lorsqu’ils sont spécialisés sur une seule espèce d’hôte. Ainsi, le taux de parasitisme est au plus bas quand ils arrivent dans leur nouvelle résidence que lorsqu’ils la quittent. La migration saisonnière apparait donc comme un moyen de réduire la charge parasitoïde en colonisant de nouveaux habitats qui peuvent fournir temporairement un espace sans parasites.
Après s’être intéressé aux papillons parasités, rendez-vous le mois prochain pour découvrir les techniques improbables de certains papillons pour parasiter d’autres espèces !