L'indice d'abondance des papillons des prairies européens
a décliné de 39% depuis 1990

Les papillons en Europe : un déclin avéré

10 mars 2021

Les infos clés 

 
L’indice d’abondance de l’ensemble des papillons des prairies européens a diminué de 39% depuis 1990. Ce déclin est causé par :
  • La dégradation des habitats : diminution des prairies fleuries, des pelouses calcaires et des anciennes forêts naturelles
  • La pollution chimique :insecticides, azote…
  • Le changement climatique : augmentation des sécheresses, des pluies, des tempêtes
 
Surveillance et méthodes
 
Les insectes sont une composante essentielle de la biodiversité. Ils représentent plus de la moitié des espèces connues. Leur rôle dans le fonctionnement des écosystèmes est indispensable : ils ont une fonction vitale de pollinisateurs et sont un garde-manger pour d’autres espèces.
Malgré un manque de données, les preuves du déclin des insectes terrestres sont multiples. Les papillons de jour sont le groupe d'insectes le plus étudié grâce à leur popularité et à la relative facilité d'identification de leurs espèces. Leur faculté à réagir rapidement aux changements et leur abondance font d’eux des indicateurs environnementaux précieux. C’est pourquoi Warren et ses collaborateurs, des chercheurs de l’Université de Reno dans le Nevada, se sont penchés sur l’évolution des populations de papillons et les facteurs qui les impactent. Ils ont publié en 2021 un article de synthèse s’intéressant aux tendances observées au Royaume-Uni, aux Pays-Bas et en Belgique.
 
Ces trois pays se caractérisent par une forte proportion de pâturages, de terres cultivées et peu d’espaces boisés en comparaison avec le reste de l’Europe. En outre, ils font partie des pays les plus densément peuplés. Ils ont également une proportion considérablement plus élevée d’espèces éteintes et menacées que l’Europe dans son ensemble.
 
La surveillance des papillons pour analyser leur évolution a débuté en 1976 au Royaume-Uni avec leUK Butterfly Monitoring Scheme (UKBMS). Cette méthodologie est basée sur des comptages hebdomadaires de papillons le long d’un transect fixe. Elle a depuis été adoptée dans de nombreux pays européens, ce qui permet la comparaison de l’évolution entre les pays.

© Piéride de l’ibéride (Pieris mannii) – France – Stéphane Vitzthum








Les résultats de cette surveillance

 
Au Royaume-Uni, depuis 1976, l’indice d’abondance moyen pour l’ensemble des papillons a diminué de près de 50% et les observations ont montré un déclin lent mais constant de 68% des espèces nécessitant un habitat spécifique.
Aux Pays-Bas, l’indice d’abondance a diminué de près de 50% depuis 1990, avec 25 espèces en déclin, 9 stables et 16 en augmentation. Non seulement les espèces nécessitant un habitat spécifique ont diminué, mais également les espèces communes répandues dans les jardins, parcs et prairies, qui ont diminué en moyenne de30% entre 1992 et 2007.
Les espèces du nord dites “froides” ont été forcées d’abandonner leur ancienne aire de répartition ou se sont éteintes localement au profit des espèces du sud, plus mobiles qui ont colonisé le pays au cours des 10 dernières années comme l’Azuré du trèfle (Cupido argiades), l’Hespérie de l’Alcée(Carcharodus alceae), le Nacré de laronce (Brenthis daphne) ou encore la Piéride de l’ibéride (Pieris mannii).

















En Belgique, au début des années 2000 la première liste rouge des papillons a relevé que 30%des espèces indigènes avaient disparu et que 28% étaient menacées d’extinction.
Les espèces rares, les sédentaires, et celles qui se trouvent dans des milieux pauvres en nutriments ont connu un déclin nettement plus important que les espèces plus communes et mobiles. Cela montre que les profils écologiques et les caractéristiques du cycle de vie peuvent avoir une incidence sur la diminution des populations de papillons.
 
Un indicateur européen des papillons des prairies a été créé pour enregistrer les tendances des populations de 17espèces de papillons de jour dans 16 pays de l’UE. Dans l’ensemble les papillons des prairies sont en déclin : l’indice d’abondance a diminué de39% depuis 1990. Pour plus d’informations, découvrez le projet ABLE (AssessingButterflies in Europe) : https://butterfly-monitoring.net/able.













Les causes de ce déclin

 
Trois grands phénomènes sont mis en cause dans le déclin des populations de papillons en Europe :

 
·      La dégradation des habitats

 
La dégradation des milieux naturels est, sans aucun doute, la raison principale du déclin des papillons.Au Royaume-Uni depuis les années 50, une perte de 97% des prairies riches en fleurs a été observée, ainsi qu’une diminution de 80% des pelouses calcaires et une baisse de moitié des anciennes forêts naturelles. Ces pertes sont similaires à celles que connait le reste de l’Europe occidentale.
Un des raisons de cette perte d’habitats est l’expansion de l’agriculture intensive, qui a conduit au défrichage des prairies pour les cultures agricoles à grande échelle. De nombreux papillons ont ainsi été privés de sources de plantes et de nectar dont ils dépendent.
Concernant les espèces peuplant les forêts, elles subissent directement le manque de gestion naturelle des espaces boisés ainsi que l’implantation de conifères exotiques qui assombrissent les clairières dont bon nombre de papillons dépendent.D’autre part, les forêts voient leurs sous-bois disparaître et avec eux les papillons qui s’y trouvent (tels que le Grand et le petit collier argenté (Boloria euphrosyne et Boloria selene)).





La dégradation des milieux naturels amène également la fragmentation et l’isolement des habitats restants, si bien que les populations qui subsistent dans ces zones sont plus susceptibles de s’éteindre, particulièrement les espèces spécialistes qui ne peuvent s’acclimater à d’autres milieux.
 

·      La pollution chimique

 
La pollution chimique englobe une grande variété de substances qui influencent négativement les papillons et leurs milieux de vie. Parmi ces substances, on peut citer les insecticides, mais aussi l’azote rejeté dans l’atmosphère, qui provient de l’ammoniac issu de l’élevage intensif et des rejets des véhicules. La pollution azotée altère les habitats des papillons en modifiant les espèces végétales présentes. En effet, les milieux pauvres en nutriments présentent une grande plus diversité végétale. Avec les rejets d’azote, des végétaux tolérants à cette substance se développent, au détriment des plantes-hôtes de certaines espèces de papillons.
 

·      Le changement climatique

 
Le changement climatique a des effets qui peuvent être positifs ou négatifs selon les espèces de papillons de jour. Les espèces thermophiles (qui ont besoin d’une température plus élevée pour vivre) ont vu leurs aires de répartition s’étendre vers le nord de l’Europe, parfois de plusieurs centaines de kilomètres, résultante directe du réchauffement climatique. D’un autre côté, les espèces adaptées au froid, ont dû se retirer dans les montagnes ou ont disparu localement.
Enfin, les prévisions climatiques montrent que la fréquence des évènements météorologiques extrêmes va augmenter. La sécheresse, les pluies et tempêtes prolongées réduisent les chances de reproduction et la taille globale des populations de papillons.
 
 

Conclusion

 
Le déclin des papillons est un fait avéré dans de grandes parties de l’Europe. Une étude néerlandaise a montré que ce déclin a probablement commencé il y a au moins un siècle quand l’intensification de l’agriculture a modifié les paysages en profondeur.
Ce déclin ne concerne pas uniquement les régions précédemment étudiées mais également d’autres pays comme la Suède, l’Allemagne, l’Espagne ainsi que les États-Unis et le Japon.
Les études concernant les papillons dans les régions tropicales restent rares, les chercheurs manquent de données.
De nombreuses espèces se propagent vers le nord de l’Europe donnant une fausse impression de bonne santé du taxon. En effet, certaines d’entre elles voient leur population diminuer à mesure que les individus se dispersent et d’autres se développent grâce aux températures plus élevées et augmentent en abondance malgré une perte de leurs habitats.
 
Il est urgent d’agir pour conserver la biodiversité des insectes et les écosystèmes qu’ils contribuent à entretenir. Des solutions de conservation au niveau du paysage peuvent être mises en place, comme l’amélioration des continuités écologiques entre les réservoirs de biodiversité. Une augmentation de la superficie des habitats de reproduction et une optimisation de la qualité des milieux naturels peuvent également être mises en œuvre.
 
Pour conclure, il est vital de continuer la surveillance de nos amis ailés afin de récolter le plus de données possibles pour adapter les réponses et les politiques afin de pallier cette perte drastique de biodiversité.
 

Sources

 
The decline of butterflies in Europe: Problems, significance, and possible solutions :
https://www.pnas.org/content/118/2/e2002551117
 
The EU Butterfly Indicator for Grassland species: 1990-2017 :
https://butterfly-monitoring.net/sites/default/files/Publications/Technical%20report%20EU%20Grassland%20indicator%201990-2017%20June%202019%20v4%20(3).pdf
 
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