Le 26 juin 2019, le Gouvernement du Niger a annoncé la modification des limites de la plus grande réserve terrestre d’Afrique : la Réserve Naturelle Nationale de Termit et Tin-Toumma (RNNTT). Cela fait suite aux pressions exercées par la China National Petroleum Corporation (CNPC), dans le but de déclasser la partie de la Réserve qui se superpose à 3 blocs pétroliers. Ce déclassement entraînerait la disparition d’une grande partie de la faune, et de certaines espèces très menacées, comme l’addax. Cette décision intervient après que le Niger se soit engagé en novembre dernier avec Noé, ONG française de protection de la biodiversité, dans une gestion durable et pérenne de la RNNTT qui prévoit de faire cohabiter exploitation pétrolière et préservation de la biodiversité.
Depuis la création de la Réserve en mars 2012, Noé interpelle la CNPC afin de mettre en place des mesures environnementales et sociales et des mécanismes de compensation selon des normes internationales (préconisées par la communauté internationale, par un grand nombre de banques d’investissement et par de grandes ONG internationales de conservation de la biodiversité). Cependant la CNPC n’a jamais répondu aux sollicitations de Noé alors que cette compagnie applique ces mêmes normes dans son propre pays, la Chine.
Dès la signature de la gestion déléguée de la RNNTT à Noé le 5 novembre 2018, la CNPC a exercé des pressions pour que les blocs pétroliers situés au sein de la Réserve soient soustraits de l’aire protégée afin de pouvoir poursuivre ses exploitations pétrolières.
Alors que la CNPC parvient à faire déclasser en partie l’un des derniers refuges de la faune sauvage africaine (la condamnant à court-terme), l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), sous présidence chinoise, organise en France (à Marseille) en juin 2020 le « Congrès Mondial pour la Nature ». La Chine accueillera également la prochaine COP15 de la « Convention pour la Diversité Biologique » en novembre 2020. Par ailleurs la Chine, avec la France, a pris des engagements en faveur de la lutte contre le changement climatique et contre l’érosion de la biodiversité, rappelés par leurs Présidents Emmanuel Macron et Xi Jinping le 25 mars 2019 à Paris.
La Réserve Naturelle Nationale de Termit et Tin-Toumma
Plus grande réserve terrestre d’Afrique avec une superficie d’environ 100.000 km2 (soit 3 fois la Belgique), la RNNTT se trouve à l’est du Niger dans le Sahara. Elle est composée de grandes étendues de désert, ainsi que du massif montagneux de Termit.
La RNNTT : un site exceptionnel pour la biodiversité.
Au total, la RNNTT accueille 130 espèces d’oiseaux et 17 espèces de mammifères dont l’addax, une des antilopes les plus menacées au monde, qui n’existe plus que dans la RNNTT avec moins de 100 individus à l’état sauvage. La RNNTT abrite de nombreuses espèces de faune et flore particulièrement adaptées aux milieux arides telles que les gazelles dama et dorcas, le guépard, la hyène rayée, le fennec…
Reconnue par la communauté internationale comme un site d’importance à protéger, plus de 11 millions d’euros ont été investis pour sa préservation depuis 2003. Cet investissement a permis de confier la gestion déléguée de la RNNTT à Noé le 5 novembre 2018, avec pour objectifs la sauvegarde de la biodiversité et du patrimoine naturel ainsi que la sécurité et le développement communautaire des populations riveraines.
Une société pétrolière en opposition à la RNNTT
Trois blocs pétroliers se superposent en partie à la RNNTT. Vingt et un puits y sont en cours d’exploitation par la CNPC (4ème société au niveau mondial en termes de chiffre d’affaires tous secteurs d’activités confondus), et un oléoduc rejoint la seule raffinerie du pays, située à Zinder, en traversant la Réserve sur plus de 100 km.Déclassement d’une partie majeure de la RNNTT
Le 26 juin 2019, le Conseil des Ministres du Niger a annoncé la modification des limites de la RNNTT excluant près de 45 000 km2 de l’aire protégée. Cette même superficie serait reportée dans de nouvelles zones à l’ouest, mais qui sont sans grand intérêt écologique.Cette décision va à l’encontre de la volonté de la majorité des parties prenantes à la gestion de la RNNTT, de la société civile qui s’inquiète de l’absence de concertations et d’études préalables, des communautés et autorités locales impliquées dans la préservation de leurs ressources naturelles.
Des solutions alternatives existent !
Ainsi, au regard de cet agenda et des engagements pris par la Chine, l’ensemble des parties prenantes à la gestion de la RNNTT appelle à mettre place un processus de concertation avec la CNPC pour ne pas déclasser la RNNTT et établir un cadre de collaboration bénéfique à la fois au Niger, aux populations locales, à la CNPC et à la biodiversité.