UNE TECHNIQUE DE CHASSE QUI MENACE LA BIODIVERSITÉ

Pièges à collet métallique, un fléau mortel pour la faune au Congo

Quand un animal a la chance de survivre à un piège à collet métallique, il boite, suite généralement à une mutilation. Quand il est moins chanceux, il agonise et meurt lentement de sa blessure, de stress et de panique, voire de déshydratation ou d’inanition, ou encore mangé par des prédateurs. Malheureusement, la forêt équatoriale du Parc National de Conkouati-Douli au Congo, aire protégée de 5000 km2, n’est pas épargnée par ce véritable fléau mondial pour la faune sauvage : la chasse par piège à collet métallique.

Ci-dessus : un piège à collet métallique dissimulé dans le feuillage du parc, et une civette prise à un de ces pièges

17 juillet 2023

La mécanique simple des pièges à collet

La chasse au collet est l’une des techniques de chasse les plus simples.


Elle consiste à piéger la proie à l’aide d’un collet fabriqué avec un câble métallique, comme un ancien frein de vélo par exemple. Le montage consiste à créer un nœud coulant qui est dissimulé dans le feuillage, de sorte qu’il puisse enserrer l’animal lors de son passage.



De toutes les méthodes de piégeage utilisées par des braconniers, les collets sont parmi les plus cruels.

Presque toutes les espèces animales sont vulnérables à ces pièges. Des cercopithèques aux éléphants, tant qu’un cou, une jambe, une patte ou un pied entre en contact avec ces pièges cachés, l’animal peut en être victime.


Cette technique est aujourd’hui illégale en République du Congo, comme dans la plupart des pays du monde, car non sélective, et cause d’une éventuelle longue agonie de l’animal. Le Parc National de Conkouati-Douli abrite certaines des espèces de mammifères les plus menacées au monde, dont plusieurs sont sur le point de disparaître, comme les gorilles, les mandrills, ou les éléphants de forêt. Malgré cela, le seul mois de mai 2023, plus de 800 pièges à collet métallique ont été démontés par nos patrouilles pédestres !


Les causes


Dans certaines régions du Congo, comme dans le Parc National de Conkouati-Douli, en raison du manque d’alternatives économiques viables, la chasse illégale devient une source de revenus ou de nourriture pour ses communautés. Le commerce de viande de brousse, très prisée sur les marchés et dans les restaurants des grands centres urbains, est en effet florissant. La demande de produits issus de la faune sauvage, notamment des peaux et des parties du corps d’animaux exotiques, est également croissante(1). Une sensibilisation insuffisante sur ses conséquences environnementales, sanitaires et légales contribue également à leur prolifération.

Un chimpanzé au pouce mutilé par un piège à collet métallique le parc.


Les conséquences


L’équilibre écologique de la région en est perturbé. La faune joue en effet un rôle clé dans la pollinisation, la dispersion des graines et le maintien de l’équilibre entre les différentes populations d’espèces (2). Les primates s’alimentant de fruits, par exemple, deviennent un véhicule pour la propagation de la végétation. Une autre conséquence est le risque accru de zoonoses pour l’espèce humaine.

Comment démêler le problème du collet métallique dans le parc ?

Renforcement de l’application des lois

Pour cela, à la trentaine d’écogardes du parc, 26 viennent s’y ajouter en juin 2023, en appui aux autorités congolaises, pour faire respecter les lois existantes sur la protection de la faune sauvage. Ces agents font d’énormes sacrifices pour protéger cet écosystème, et passent des semaines entières dans la forêt équatoriale, ne rentrant chez eux que sporadiquement pour voir leur famille. Au cours de leurs patrouilles, les agents de protection trouvent et détruisent les pièges et interceptent les braconniers.

Dans ce jeu de cache-cache injuste, alors même qu’ils se démènent pour démanteler les pièges, les braconniers les reconstruisent à d’autres endroits. Les agents ne peuvent tout simplement pas suivre, car les pièges sont posés plus vite qu’ils ne sont découverts. Ce déséquilibre souligne la nécessité d’augmenter le nombre de gardes forestiers dans les zones protégées, et l’urgence de disposer d’équipes mieux formées et mieux équipées, afin de garantir la bonne santé de l’écosystème fragile du parc. Cela permettra d’accroître la surveillance par des patrouilles régulières, et d’augmenter les sanctions pour dissuader les contrevenants.


En réalité, chaque piège retiré est une vie sauvée et une espèce protégée.



Sensibilisation et alternatives économiques

S’ajoutant à cela, des campagnes de sensibilisation seront menées pour informer les populations locales des conséquences néfastes de l’utilisation des pièges à collet métallique. Il est essentiel de rappeler les lois de protection de la faune sauvage, mais aussi d’appuyer des alternatives économiques durables pour réduire la dépendance à l’égard de la chasse illégale.

Plusieurs projets sont en cours d’élaboration avec les communautés du parc, concernant la pêche artisanale, le maraîchage, l’élevage, et l’écotourisme.


ON EN PARLE AVEC MODESTE MAKANI, CHARGÉ DE DÉVELOPPEMENT COMMUNAUTAIRE

Modeste Makani, récemment recruté comme chargé de développement communautaire dans parc, est sensible à ce problème. « Il ne s’agit pas d’une spécificité particulière à Conkouati » s’empresse-t-il de dire, « c’est une menace pour bon nombre de parcs en Afrique ».


Est-ce que cette pratique est uniquement employée par les locaux pour une consommation directe, ou est-ce qu’elle l’est également pour le commerce de viande de brousse à Pointe Noire ?

« De toute évidence, au vu des saisies faites par nos agents dans le parc, et du grand nombre de pièges utilisés par chaque chasseur, cette technique est aussi pratiquée pour le commerce de la viande de brousse, très prisée dans les grandes villes comme Pointe Noire ».

Que disent la lois congolaise et la législation du parc concernant les pièges à collets métalliques ?
« La loi n°37 – 2008 sur la faune et les aires protégées en son article 37 interdit strictement l’utilisation des câbles métalliques comme technique de chasse. En se référant à l’article 32 de la loi sur la faune et les aires protégées dans le République du Congo, il est stipulé que sont aussi interdites toutes les techniques de chasse ne pouvant pas faire la sélection de l’espèce à capturer ».

Vente de viande de brousse.

Est-ce qu’une action de sensibilisation est prévue dans le cadre de développement communautaire ?

« Nous sommes dans la phase de l’élaboration d’un plan de sensibilisation à l’endroit des communautés. Dans ce dernier, la gestion de la chasse sera classée comme prioritaire. La sensibilisation ne sera pas uniquement axée sur les pièges à câble métallique, mais aussi sur les bonnes pratiques de chasse et les conséquences de mauvaises pratiques en insistant sur les sanctions prévues par la loi en son article 112 ».


(Dans la zone de protection intégrale du parc, la chasse y est interdite – les contrevenants sont passibles d’amendes et de peines d’emprisonnement – alors que dans la zone d’écodéveloppement, englobant les villages de l’aire protégée, ses habitants peuvent exercer leurs droits d’usage : petite chasse sur les espèces non protégées dans le respect de pratiques durables, comme les périodes de chasse, l’acquisition d’un permis de chasse, la chasse sélective, l’utilisation d’armes légales, des quotas de prélèvement, la non-dégradation de l’écosystème avec des techniques polluantes, se limitant aux besoins de subsistance et en aucun cas de commerce, Ndlr).


Seule une approche holistique et coordonnée permettra de protéger efficacement la faune sauvage de la République du Congo et de préserver son héritage naturel pour les générations futures.
 

C’est pourquoi l’équipe de Noé et ses partenaires locaux s’efforcent de protéger ce précieux patrimoine, pour que la survie de ces espèces ne soit pas juste possible mais une certitude.

1 Article « From forest to table: Inside the world’s bushmeat problem » (National Geopraphic – Rene Ebersole, publié en mai 2023).

2 Article « Snares don’t discriminate: A problem for wild cats, both big and small » (Mongabay – Sean Mowbray, publié le 5 mai 2023).

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