15ème édition du jour de la nuit

Ecaille pourprée mâle sur une fleur © Gérard Blondeau / Biosphoto    

Jour de la nuit : La pollution lumineuse, une cause du déclin des papillons de nuit

Ce samedi 14 octobre se déroule la 15e édition du Jour de la nuit, coordonnée par l’association Agir pour l’environnement. Cette journée est l'occasion de mettre en lumière la biodiversité nocturne et de sensibiliser aux pollutions auxquelles les espèces actives dans l’obscurité font face. 

 

L'environnement nocturne est riche en biodiversité et propice à de nombreuses activités avec 65% d’espèces invertébrées et 28% d’espèces vertébrées actives la nuit. Tout comme les espèces diurnes, les espèces nocturnes sont soumises aux mêmes pressions anthropiques telles que la destruction et la fragmentation d’habitat, l’utilisation de produits phytosanitaires et les changements climatiques, mais à ces menaces s’ajoute la pollution lumineuse qui impacte significativement leurs cycles de vie et activités. 

Hyménoptère parasitoïde femelle approchant une chenille (pryrale sp.) © Jean-Claude Malausa / Biosphoto 

13 octobre 2023

Historique de la pollution lumineuse 

Plusieurs usages de la lumière ont pu être observés dans l’histoire.  Dans un premier temps, elle est utilisée pour nous permettre de continuer nos activités et de se sentir en sécurité la nuit. C’est avec l’invention de la lampe à arc, dans les années 1800, que le phénomène de pollution lumineuse apparaît ainsi que l’utilisation de pièges lumineux pour contrôler certains insectes considérés comme nuisibles. Ces pièges sont d’ailleurs toujours utilisés à ce jour.

 
Aujourd’hui les avancées technologiques ont permis un déploiement important des installations lumineuses sur tout le globe, avec depuis 2014, des enregistrements de luminosité du ciel nocturne élevés sur plus de 24% des terres. En France, l’éclairage public compte 11 millions de points lumineux à lui seul.

 
Contrairement aux pressions environnementales telles que la perte et la fragmentation d’habitat, les changements climatiques et la perturbation par des substances chimiques, la pollution lumineuse est un phénomène nouveau car il n’existe pas de phénomène naturel analogue à cette pression anthropique. En effet, au cours de l’évolution la biodiversité a fait face aux changements climatiques naturels, à la destruction par des événements naturels et aux substances toxiques produites par d’autres espèces, mais des modifications du cycle solaire, lunaire et des saisons n’ont jamais été observées. C’est une pression nouvelle qui est apparue au cours des derniers siècles.


Quels effets sur les pollinisateurs nocturnes? 

Comme toute modification environnementale, la lumière a des conséquences pour les espèces exclusivement ou partiellement actives la nuit. Par son programme centré sur les prairies et les pollinisateurs sauvages, la question de la pollinisation nocturnes effectuée par des pollinisateurs sauvages est au cœur des préoccupations de Noé. La pollinisation nocturne est assurée en très grande partie par les lépidoptères nocturnes qui comptent environ 5000 espèces en France soit 95% des espèces de papillons.

Plusieurs études suggèrent des effets de cette lumière artificielle à plusieurs niveaux sur les insectes et en particulier sur les papillons nocturnes : une altération négative du cycle de développement, des comportements et des activités inhibés, une augmentation de la prédation, une altération de la fitness des individus, c'est-à-dire de leur succès de reproduction. 

le cycle de développement 

Des chercheurs anglais et allemands ont mis en évidence des effets négatifs sur le cycle biologique de développement des chenilles de lépidoptères nocturnes, avec d’une part une abondance de chenilles plus faible dans les zones directement soumises à la lumière artificielle, avec en moyenne une diminution de 40% du nombre d’individus. D’autre part, la présence de lumière artificielle nocturne impacte directement le cycle hormonal lié au développement des chenilles et des chrysalides régulé par les rythmes circadiens. Ce dérèglement a pour conséquence une diminution de la masse corporelle des individus. En milieu très éclairé on observe des individus adultes de plus petite taille en comparaison aux milieux non éclairés.

La reproduction

La reproduction de ces papillons est également dépendante du cycle naturel de la lumière et plusieurs études ont prouvé que la lumière artificielle nocturne affecte la reproduction par plusieurs mécanismes. D’une part, la production de phéromones sexuelles par les femelles est régulée par le rythme biologique, une forte exposition à la pollution lumineuse altère à la fois la composition et la quantité des phéromones diffusées ce qui réduit le succès reproducteur. D’autre part, la production de spermatozoïde chez les papillons nocturnes mâles est également dépendante des cycles jour-nuit. Il a été mis en évidence que la lumière artificielle diminue la fertilité des mâles. Par ailleurs, une exposition continue à la lumière inhibe certains comportements liés à la reproduction.

Le comportement

Des effets ont également été observés d’un point de vue comportemental. Une exposition continue à la lumière inhibe les activités des papillons. Au lieu de se nourrir, donc de polliniser, de se reproduire ou encore d’éviter les prédateurs,  les lépidoptères resteront en vol de façon statique sous les sources de lumières. Il a été estimé qu' un tiers des insectes attirés par ces lumières nocturnes fixes mourront d’épuisement ou de prédation avant le lever du soleil. Des études en Allemagne chiffre cette perte à un milliard d'insectes par été.

La prédation

Enfin, la lumière artificielle nocturne favorise le parasitisme des lépidoptères par des guêpes parasitoïdes aux stades larvaires ou de chrysalides et augmente le risque de prédation des papillons adultes par les chauves-souris. La lumière attire une densité importante d'insectes sous les halos qui seront alors, vulnérables face aux prédateurs.


              Hyménoptère parasitoïde femelle approchant une chenille (pryrale sp.) © Jean-Claude Malausa / Biosphoto




Résumé des effets de la pollution lumineuse sur les papillons nocturnes aux différents stades de développement.


Réduire la pollution lumineuse

Contrairement à d’autres perturbations anthropiques, la pollution lumineuse ne laisse pas de résidu de pollution. Cette caractéristique joue en notre faveur pour inverser les tendances. Des modifications d’usage de la lumière en condition nocturne peuvent être mises en place pour minimiser l’impact sur ces espèces.

En France, il existe une réglementation nationale pour lutter contre cette pollution qui encadre la temporalité des éclairages et impose des caractéristiques techniques des équipements utilisés. Mais pour aller plus loin dans cette lutte, des adaptations locales, cohérentes avec le contexte environnementales sont à mettre en place. C'est-à-dire, adapter l’éclairage au besoin réel en éclairant seulement les surfaces et les moments utiles par exemple. 

Notre charte jardin de Noé, propose plusieurs recommandations en plus des réglementations existantes telles que privilégier l’utilisation de sources de lumières ayant un faisceau concentré et un angle de 150° pour viser précisément ce qui a besoin d’être éclairer ou encore éviter des lampes trop puissantes (supérieure à 100W) et utiliser des lampes dont les couleurs sont non attractives pour les insectes (température de couleur maximale autorisée de 3000K). Vous pourrez retrouver l’ensemble des recommandations de Noé sur ce sujet dans cet article.



Références: 


Avalon C.S. Owens, Précillia Cochard, Joanna Durrant, Bridgette Farnworth, Elizabeth K. Perkin, Brett Seymoure, (2020) Light pollution is a driver of insect declines. Biological Conservation, Volume 241.

Callum J. Macgregor, Michael J. O. Pocock, Richard Fox, Darren M. Evans, (2014) Pollination by nocturnal Lepidoptera, and the effects of light pollution: a review, Ecological Entomologie, Volume40, Issue3

Douglas H. Boyes et al. (2021),Street lighting has detrimental impacts on local insect populations. Science Advance vol.7, issue 35.

Douglas H. Boyes, Darren M. Evans, Richard Fox, Mark S. Parsons, Michael J. O. Pocock (2020), Is light pollution driving moth population declines? A review of causal mechanisms across the life cycle, Insect Conservation and Diversity, Volume14, Issue2

M. Grubisic, R.H.A. van Grunsven, C.C.M. Kyba, A. Manfrin, F. Hölker, (2018). Insect declines and agroecosystems: does light pollution matter? Annal of applied biology, vol.173, issue 2.

S. Keinath, F. Hölker, J. Müller, M.O Rödel, (2021). Impact of light
pollution on moth morphology–A 137-year study in Germany, Basic and Applied Ecology, Volume 56.

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