Écophyto : un plan lancé en 2008 pour réduire les produits phytosanitaires
L’objectif du premier plan Écophyto imaginé après le Grenelle de l’environnement de 2008 était clair : réduire de 50% l'utilisation des produits phytosanitaires, plus connus sous le nom de pesticides (fongicides, insecticides, herbicides) dans un délai de 10 ans.Mais c’était sans compter sur une succession d’incessants reports depuis 2018 à l’initiative des différents gouvernements. En 2023, Élisabeth Borne annonce un autre report et une consultation pour établir une nouvelle version du plan Écophyto à horizon 2030 cette fois-ci.
Pour les gouvernements qui se sont succédé en France depuis 2018, la réduction de l’usage des pesticides peut attendre apparemment.
Les pesticides : des produits qui tuent la biodiversité et les êtres humains
Symboles d’un modèle agricole dominant en France et totalement à bout de souffle, les pesticides empoisonnent la terre, l’eau, l’air, tuent les pollinisateurs et nuisent gravement à notre santé.
La France, dont 50% de la surface est occupée par des terres agricoles, est l’un des pays les plus consommateurs de pesticides au monde ! 90% de ces pesticides sont utilisés par l’agriculture. Et pourtant, il est prouvé que les pesticides tuent. Tuent la biodiversité et tuent les êtres humains.
Une expertise scientifique de l’INRAE1 soutient en 2022 « qu’il apparaît de façon robuste que les produits phytopharmaceutiques sont, dans les zones agricoles, l’une des causes principales du déclin des invertébrés terrestres, dont des insectes pollinisateurs et des prédateurs de ravageurs (coccinelles, carabes…), ainsi que des oiseaux ». Selon une tribune publiée aujourd’hui dans Le Monde : « En trente ans, les pesticides ont éliminé 80 % des insectes, et en quinze ans ils ont tué 30 % des oiseaux : on voit s’effondrer la pollinisation par les insectes, qui donne graines et fruits, et disparaître la régulation des insectes indésirables par les oiseaux ».
Mais les pesticides ne se contentent pas de cela. Ces poisons infiltrent les sols, puis les cours d’eaux et provoquent aussi la disparition d’amphibiens. On estime que la moitié des cours d'eau et près d'un tiers des nappes souterraines françaises sont pollués et présentent des traces significatives de pesticides.
Ainsi, pour détruire certains champignons, insectes ou « mauvaises herbes » qui pourraient porter préjudice aux cultures, les pesticides employés par certains agriculteurs détruisent tout simplement toute la nature.
Et le constat est tout aussi inquiétant concernant la santé humaine. Même avec une faible exposition, les pesticides peuvent avoir de graves conséquences. La Fondation pour la Recherche Médicale affirme en 2022 que les pesticides sont à l’origine de certains cancers, de troubles cognitifs, des affections touchant la vessie, les reins, la thyroïde. Les pesticides seraient aussi responsables d’une plus forte infertilité masculine et de malformations in-utero !
Et les premières victimes humaines de ces pesticides, ce sont les agriculteurs ! Le Monde poursuit en citant ces quelques chiffres terrifiants : « les résidus de pesticides […] empoisonnent les agriculteurs eux-mêmes, qui présentent des surcroîts de cancers (+20% de myélomes et +50% de lymphomes, selon l’étude Agrican) ou de maladies de Parkinson et d’Alzheimer ».
La solution de facilité pour régler une crise agricole systémique
Alors nous y voilà.
Face à des décennies d’inconscience, car oui le plan Écophyto c’est une procrastination criminelle depuis plus de 15 ans, de la part des différents gouvernements qui se sont succédé à la tête de notre pays.
Face encore et encore à des arbitrages court-termistes qui placent l’intérêt des lobbys des produits phytosanitaires au-dessus de l’intérêt général et de l’urgence qu’il y a à protéger la biodiversité et notre santé.
Face à un porte-parole du monde agricole, Arnaud Rousseau, patron de la FNSEA, plus proche du dirigeant d'entreprise du CAC40 que du paysan en colère qu’il prétend représenter (il est à la tête d’un empire agroalimentaire qui pesait 9 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2022, +32% sur un an).
L’avenir de l’agriculture ne se fera pas sans la nature et la biodiversité
L’écologie n’est pas le mal des agriculteurs. Pas plus qu’elle ne devrait être le bouc-émissaire facile de la crise agricole.On ne pourra pas sauver l’environnement sans les agriculteurs. Mais la réciproque est tout aussi vraie. L’agriculture fonce droit dans le mur si elle ne replace pas l’environnement au cœur de ses préoccupations. La mise en arrêt du plan Écophyto résonne comme une honte pour les défenseurs de la biodiversité que nous sommes, mais présage aussi d’un atterrissage encore plus violent dans les années futures…
L’agriculture doit impérativement s’engager sur un nouveau chemin en lien étroit avec la biodiversité qui lui assure des services écosystémiques indispensables, tels que la pollinisation, le stockage de l’eau, la régulation du climat et des ravageurs ou encore la fertilité des sols. Les récents travaux scientifiques soulignent l’importance de la biodiversité pour s’assurer de la résilience et de la durabilité des systèmes agricoles.
Et ce chemin existe, est souhaité par des agriculteurs et agricultrices que nos équipes côtoient et appuient, est possible et est indispensable pour assurer l’avenir de l’humanité. Rien que ça.
C’est justement pour accompagner l'agriculture sur ce chemin que nos politiques publiques (comme le plan
Écophyto
ou encore la PAC - Politique agricole commune) devraient se montrer à la hauteur.
1Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement.