L’hiver est une saison difficile pour les papillons : la nourriture se fait rare, voire inexistante, le gel peut être fatal pour les adultes et les chenilles. C’est pourquoi, à l’approche de la saison froide, les comportements changent selon les espèces. Certaines vont hiberner et affronter ces chutes des températures, d’autres vont les fuir et migrer vers des climats plus doux.
La migration des papillons autour de la France
On recense plus de 300 espèces de papillons migratrices en France. Les migrations peuvent avoir lieu pour survivre à l’hiver, être partielles et ne concerner qu’une partie des individus, ou précéder une hibernation.
On parle de migration lorsqu’il y a un aller et un retour, effectués par un individu, ou sa descendance. En ce sens, elle peut être effectuée d’une seule traite, ou avec plusieurs étapes de renouvellement de la population.
La migration peut être effectuée pour diverses raisons, tant pour l’aller que pour le retour. Les espèces peuvent fuir les intempéries, et poursuivre leur plante-hôte lors des changements de saison. C’est le cas de la Belle-Dame et du Vulcain. Changer de position autour du globe permet également de conserver un rythme jour/nuit constant, et d’éviter la surpopulation. En effet, chez certaines espèces, lorsque la densité de population atteint une certaine intensité, une partie de la population va entamer une migration, pour trouver un meilleur environnement pour se reproduire, en limitant la compétition pour la nourriture et l’espace.
Ils utilisent leurs réserves de graisse le long du trajet et peuvent voler jusqu’à 100 km/h, record détenu par le Sphinx du liseron.
Pour s’orienter, les papillons utilisent leurs yeux, le vent, et leur boussole interne. Ils ont des yeux composés d’ommatidies, des milliers de récepteurs à la lumière, qui leur permettent d’avoir une vision à 360° et d’observer des longueurs d’ondes invisibles à l’œil humain. Ils se laissent porter par les vents chauds venant du Sud à l’approche de l’été. Lorsqu’ils quittent le Nord, les vents les portent à nouveau, mais ils sont capables de corriger leur trajectoire, pour maintenir un cap vers le Sud-Ouest et ne pas se laisser emporter vers l’Est. Leurs antennes seraient indispensables à ce processus : elles leur indiquent la position du Sud en fonction de l’orientation des rayons du soleil. Pendant leur vol, ils possèdent ainsi une boussole interne leur permettant de garder le cap, même en cas de conditions climatiques qui les porteraient à confusion. (Publication en anglais)
Les différents types de migration
Les migrations de longue distance (de l’ordre de 100 à 1000km) peuvent être réalisées au-dessus des terres et des mers. Les papillons suivent une direction fixe et survolent des obstacles, des reliefs, des constructions. Ils utilisent les courants d’air chaud en été pour se déplacer du Sud-Ouest au Nord-Est. Certaines espèces comme l’Écaille chinée migrent pour entrer en diapause ! Elle ira s’endormir loin de son lieu de reproduction, passera la mauvaise saison, et retournera dans son territoire à son réveil. C’est un phénomène mystérieux qui n’est pas encore bien compris.
Les migrations ont traditionnellement lieu entre Nord en été et Sud pendant l’hiver. Ainsi, les espèces profitent de la saison douce tout au long de l’année en ayant un été pas trop chaud et un hiver pas trop froid.
La diapause est une forme de vie ralentie qui permet aux individus de survivre à des conditions extrêmes et de synchroniser leur cycle de reproduction entre eux et avec les saisons.
En Europe, les migrations les plus documentées sont celles de la Belle-Dame et du Vulcain. Vers la fin des mois de février et mars, ces deux espèces quittent l’Afrique subsaharienne où elles ont passé l’hiver pour rejoindre l’Europe. Les voies de migration sont bien connues : pour traverser la mer Méditerranée, elles passent par la Sardaigne ou la Corse. Elles longent ensuite les plages méditerranéennes et empruntent le couloir rhodanien pour rejoindre le Nord de l’Europe. Elles peuvent également passer par le détroit de Gibraltar et longer les plages atlantiques. Lors de ce périple de 5000km de long, les papillons voyagent jusqu’à une vitesse de 25 km/h, soit entre 50 et 80 battements d’ailes par seconde !
Le Moro-sphinx et le Souci sont eux aussi des papillons migrateurs. Ils vont du Sud au Nord de l’Europe en été, et peuvent être retrouvés au Nord de l’Afrique en hiver. D’autres exemples sont le Soufré, le Fluoré, le Marbré de vert, la Piéride du chou et la Piéride de la rave. Les piérides hivernent également : la migration ne concerne pas tous les individus d’une même espèce.
Les migrations de courte distance sont souvent des vols occasionnels au sein de l’aire de répartition de l’espèce. On constate un tel phénomène chez le Flambé : on a retrouvé des individus en Grande-Bretagne et en Suède, au Nord, au-delà de son territoire.
Vous entendrez peut-être parler de migration verticale en montagne. Ce phénomène définit les transferts de population de basse altitude en automne, à haute altitude en été. C’est le cas du Petit nacré, qui passe l’été dans les hauteurs et qui pond à l’automne là où poussent les violettes, sa plante-hôte.
Les migrations ne finissent pas toujours bien. Parfois, les groupes s’égarent et atterrissent dans des espaces où leur plante-hôte est totalement absente. Ce qui entraîne la mort des adultes sans nouvelle ponte. Certaines espèces peuvent se permettre des mouvements aléatoires : les Piérides, qui affectionnent les crucifères, sont garanties d’en trouver à peu près n’importe où en Europe, et peuvent voler sur 200km sans trop de risques.
À l’échelle du globe
La migration des papillons est un phénomène mondial qui repose sur les mêmes bases : poursuivre le climat idéal dans sa progression entre les pays tout en restant là où poussent les plantes-hôtes. Autour du monde, les migrations de papillons sont semblables à ce qu’on observe en Europe : plus de 250 espèces asiatiques fuient la mousson chaque année, le circuit Europe-Afrique possède son équivalent en Amérique, entre le Nord et le Sud, et en Océanie entre le Sud et le Nord. L’Australie étant dans l’hémisphère Sud du globe, les papillons font l’inverse de chez nous et passent l’été au Sud, et l’hiver au Nord.
La migration des Monarques entre les États-Unis et le Mexique est un phénomène spectaculaire. Les papillons rejoignent le Mexique en une seule génération, traversant de jour le continent dans sa largeur en un large essaim. Ils recouvrent les arbres des forêts mexicaines puis rejoignent les lacs du Canada en été, cette fois-ci en plusieurs générations.
Les migrations sont des phénomènes suivant le climat. Le réchauffement climatique va indéniablement avoir des répercussions sur les habitudes de nos chers lépidoptères. Au cours des prochaines années, il ne serait pas étonnant de constater que les papillons migrent moins au Sud et plus au Nord pour atteindre les températures habituelles. Tant que les plantes-hôtes sont au rendez-vous, les espèces se porteront bien. Les populations risquent néanmoins d’évoluer : si certaines espèces quitteront peu à peu le territoire, de nouvelles arriveront. Ce que nous pourrons constater en France : les espèces ayant l’habitude de fuir l’hiver n’auront plus besoin de le faire si les températures sont plus douces. Nous devrions donc observer une sédentarisation progressive des populations. Un phénomène similaire est observé chez les oiseaux.
Les observations de chacun et chacune sont alors une information intéressante, qui permet de surveiller les mouvements des espèces sur toute la France. N'hésitez pas à rejoindre l'un de nos programmes de sciences participatives des Observatoires de la Biodiversité pour participer à la récolte de données !
Sources :
- Miragtion des papillons, Wikipedia France, consulté le 14/09/2022
- Lafranchis, T., 2000. Les Papillons de jour de France, Belgique et Luxembourg et leurs chenilles. Collection Parthénope, éditions Biotope, Mèze (France). 448p.