87% des zones humides ont disparu ou sont en train de disparaitre

Tourbière de la lande de Lessay, Parc naturel régional du Cotentin et du Bessin, Normandie, France © Christophe Perelle / Biosphoto

Qu'est-ce qu'une zone humide ?

13%. C’est le pourcentage de zones humides qui n’ont pas encore été détruites dans le monde. Ces milieux tiennent pourtant une place essentielle pour de nombreuses espèces végétales et animales, ainsi que dans les fonctionnements écosystémiques. 

Introduction : quelques définitions


Les zones humides sont une catégorie écologique qui regroupe l’ensemble des milieux et des espaces de transition entre la terre et l’eau. Marais, tourbière, delta, prairie inondable ou encore récif coralien, elles peuvent prendre des formes très variées et être intégrées à des paysages multiples. On peut retenir cinq grands ensembles : 

  • Les zones palustres (marais, tourbières…)
  • Les zones lacustres (proches de lacs)
  • Les zones riveraines (les berges et zones inondables de fleuves, rivières, cours d’eau)
  • Les zones estuariennes (les deltas, les lagunes, les marais côtiers…)
  • Les zones marines (berges rocheuses, récifs coralliens…)

La variété des formes que peuvent prendre les zones humides rend difficile de les essentialiser au sein d’une seule définition, il est cependant possible de les identifier à l’aide de trois critères essentiels : 

  • La présence d’eau douce, saumâtre ou salée, de façon permanente ou temporaire
  • Un sol gorgé d’eau
  • La présence d’espèces animales et végétales caractéristiques de ces milieux

L’eau est une composante structurante de ces milieux, au sein desquels elle est le principal moteur du fonctionnement écologique. Sa présence détermine l’implantation d’espèces végétales et animales particulières, et participe à faire de ces milieux des systèmes écologiques clés dans la lutte contre le réchauffement climatique. Pour cette raison, les zones humides font l’objet d’une protection spécifique depuis les années 1970, notamment dans le cadre de la convention de Ramsar qui a été adoptée par 172 signataires depuis 1971. 

Une biodiversité remarquable 

Si les zones humides ne recouvrent que 6% de la surface terrestre mondiale, on estime que 40% des espèces animales et végétales dépendent de ces milieux. Elles abritent 12% de l’ensemble des espèces animales, dont 30% des espèces connues de poisson, 20 000 espèces de vertébrés, plus de 100 000 espèces d’eau douce. 

En France, ces écosystèmes abritent l’ensemble des espèces d’amphibiens pendant la période de reproduction, accueillent 50% des oiseaux ainsi que 30% des espèces végétales remarquables et menacées.  À cela s’ajoute de nombreuses populations qui dépendent de ces milieux : des insectes (Cuivré des marais, libellules…), des reptiles (tortues…), des mammifères (loutre, castor…), ainsi que des crustacés (écrevisses, moules…) ou encore des poissons d’eau douce.

Des milieux essentiels face aux transformations climatiques


En plus d’abriter une biodiversité exceptionnelle, les zones humides sont des milieux qui permettent de lutter contre le réchauffement global du climat, les conséquences qu’il entraîne et les pratiques humaines qui le renforce. 

Régulateur du débit des cours d'eau 

Les zones humides peuvent être comparées à des éponges qui absorbent et redistribuent l’eau en fonction des conditions climatiques. Pendant les périodes de crues, ces milieux sont capables d’absorber d’importantes quantités d’eau, réduisant ainsi les risques d’inondation, qu’elles redistribuent dans les nappes d’eau souterraine et dans les cours d’eau lors d’épisodes de sécheresse. Elles sont ainsi des alliées de taille dans le contexte de stress hydriques ponctuant les saisons estivales et d’inondations se multipliant du fait de l’urbanisation et de l’aménagement des fleuves. 

Filtration et épuration de l'eau

Les zones humides sont capables de débarrasser l’eau de ses pollutions à l’aide de la végétation hydrophile, hygrophile et hélophytes, qui filtre et absorbe l’azote et le phosphore. Cette épuration permet de maintenir la qualité chimique des cours d’eau et des nappes souterraines reliées à ces milieux.

Protection des berges face à l'érosion

L’imposante végétation des zones humides permet également de limiter les effets de l’érosion, aussi bien autour des fleuves que sur les côtes, en limitant l’écoulement des eaux et le transport de la terre.

Puits de carbone

Les zones humides, du fait de l’abondance de la matière organique en décomposition, sont des puits de carbone impressionnant. À titre d’exemple, les tourbières, qui ne représentent que 3% des terres dans le monde, renferment 30% du CO2 mondial

Des milieux menacés


Malgré leur rôle clé dans les écosystèmes, les zones humides sont soumises à de nombreuses pressions qui mènent à leur dégradation, voire à leur disparition. En moyenne, on estime que les zones humides françaises sont soumises à 14 pressions quotidiennes liées à des activités humaines. En cause, les drainages et assèchements utilisés dans le cadre de l’aménagement du territoire (urbanisation, artificialisation des sols, construction d’infrastructures routières, aménagement de cours d’eau, etc.), ainsi que de l’intensification de l’agriculture (agrandissement des surfaces agricoles, prélèvement excessif d’eau pour l’irrigation, rejet de pesticides, etc.).  À cela, il faut ajouter l’introduction d’espèces exotiques envahissantes qui altèrent les fonctionnements écosystémiques des milieux indigènes en supplantant les espèces locales. Le Ragondin (Myocastor coypus), présent dans 78% des zones humides françaises, en est un exemple auquel on peut ajouter le Silure glane (Silurus glanis) ou encore le Rat surmulot (Rattus norvegicus). En France, on estime que 86% des zones humides sont touchées par au moins une espèce exotique envahissante.

Avec une vitesse de disparition trois fois supérieure à celle des forêts, les deux tiers des zones humides françaises ont disparues, ce qui représente environ 2,5 millions d’hectares. Rien que pour la période couvrant les années 1960 au 1990, on estime que 50% des zones humides ont disparu. La tendance est encore plus inquiétante à l’échelle mondiale. Selon l’IPBES (Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques), 87% des zones humides ont disparu depuis le XVIIIe siècle dans le monde.

Ces dégradations et disparitions ont des conséquences très concrètes sur la biodiversité. Dans la liste rouge de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature), toutes les populations d’espèces animales et végétales dépendant des zones humides sont en déclins, dont 25% sont en danger d’extinction et 6% en danger critique d’extinction. En tête de liste des espèces les plus menacées, se trouvent les poissons d’eau douce dont les populations se sont effondrées depuis les années 1980, ainsi que les amphibiens dont toutes les espèces dépendent de ces milieux. L’officialisation de la disparition du Courlis à bec grêle, en novembre dernier, est un témoignage fort de cette tendance. 

Sources :


CNRS : Menace sur les zones humides !

Géoconfluence : Zone humide

MNHN : Qu’est-ce qu’une zone humide ?

OFB : Les zones humides

UICN : Les zones humides disparaissent trois fois plus vite que les forêts

Ramsar : L’importance des zones humides

Ramsar : Perspective mondiale pour les zones humides

Zone humide : Zones humides et biodiversité

Zone humide : Une zone humide c’est quoi ?