Le Courlis à bec grêle était un oiseau limicole migrateur : il nichait de mars à septembre dans les forêts marécageuses de la taïga sibérienne et migrait vers les zones humides du pourtour méditerranéen à l'arrivée de l'hiver. Première espèce européenne à s'éteindre, sa disparition doit participer à une prise de conscience collective sur les menaces que les pratiques humaines font peser sur la biodiversité.
Caractéristiques générales
Identification
Parmi les
espèces composant le genre des Numenius, le Courlis à bec grêle pouvait
être identifié par sa taille oscillant entre 36 et 41 cm. Il était légèrement
plus petit que le Courlis corlieu (Numenius phaeopus) et sa taille
moyenne de 40-46 cm, ou que le Courlis cendré (Numenius arquata), espèce
la plus grande du genre avec ses 50 à 60 cm et son mètre d’envergure.
Son plumage
était composé de teintes marronées et blanches. Des tâches noires sont
présentes sur sa poitrine, son flanc et son croupion, elles permettaient de
différencier la Courlis à bec grêle des autres espèces du genre Numenius.
Son bec long et fin était
assurément l’élément qui le rendait le plus facilement reconnaissable, et dont
son nom était tiré. Formé à partir du latin tenuis (« ténu ») et de rostrum
(« le bec »), le Courlis à bec grêle possédait un bec fin et allongé,
caractéristique de l’espèce.
Nidification
Les sites de nidification privilégiés
par le Courlis à bec grêle étaient les zones de transition tourbière-forêt,
caractéristiques de la taïga sibérienne, localisés entre le nord du Kazakhstan
et le sud de la Russie. Les quelques nids qui ont été retrouvés montrent que
les Courlis à bec grêle nichaient par petits groupes, au sein desquels les nids
étaient éloignés d’une dizaine de mètres. La composition des nids semblait
principalement être d’herbe séchée, de feuilles et de scirpe, c’est-à-dire une végétation
propre aux zones humides.
Habitat
Les steppes sibériennes étaient
vraisemblablement occupées par les Courlis à bec grêle de mars à septembre. Le
reste de l’année, ils migraient vers les zones humides du bassin méditerranéen,
en privilégiant les côtes marocaines, italiennes, algériennes et grecques, mais
également le littoral français. Cette espèce semblait en réalité apprécier les
sols salés, en témoigne, d’une part, la proximité avec la mer dans les sites
migratoires, et d’autre part, la nature salée des sols dans les espaces de
nidification.
Alimentation
L’alimentation des Courlis à bec grêle
est peu connue. Des données recueillies au Maroc montrent qu’ils se
nourrissaient de vers de terre et de larves de Cousin (Tipulidae). S’il
a été documenté que les mollusques et les crustacés ont formé une source de
nourriture, il semblerait que les orthoptères aient également été une ressource
nutritionnelle importante.
Causes et probabilité d'extinction
Espèce rare, les dernières
observations documentées par photographie du Courlis à bec grêle remontent à
février 1995, sur le site de Merga Zerga, au Maroc. Cette zone aurait également
fait l’objet d’observations en 1996 et 1997, mais sans preuve photographique.
Malgré des photographies plus récentes de l’espèce, invalidées par la
communauté scientifique, aucune observation n’a, depuis, été documentée, en
dépit de programmes de recherche établit pour localiser des individus de
l’espèce. Les auteurs de l’article officialisant sa disparition estiment la probabilité
d’extinction du Courlis à bec grêle à 96%.
La faible quantité d’observation ainsi que les maigres informations sur les habitats, l’alimentation et la reproduction des Courlis à bec grêle ne permettent d’avancer que des hypothèses quant aux raisons de l’extinction de cette espèce.
L’une des causes avancées par les
auteurs de l’article est la destruction des habitats de nidification due au
drainage des zones humides du Kazakhstan au XIXe et au XXe
siècle, au profit de terres agricoles. Espèce déjà fragilisée par les
drainages, le Courlis à bec grêle aurait également dû faire face à une
augmentation des températures qui serait intervenue sur la même période. Ces
deux facteurs coïncident avec les premiers signaux d’alarmes sur l’importante
diminution des populations de Courlis à bec grêle, lancés dès 1912.
La seconde explication avancée, moins
vraisemblable selon les auteurs, est la chasse, notamment en période de
migration. Si quelques témoignages prouvent que le Courlis à bec grêle a bel et
bien été menacé par la chasse, les conséquences réelles sur la population
restent peu quantifiables. Les auteurs rappellent cependant qu’une autre espèce
de Numenius, le Courlis esquimau (Numenius borealis), est
désormais éteint à cause des pratiques intensives de chasse. La même remarque
s’applique au Vanneau sociable (Vanellus gregarius), espèce nichant
également au Kazakhstan et migrant vers le Moyen-Orient, dont les populations
ont drastiquement baissé à cause de la chasse effectuée sur cette espèce
pendant sa période de migration.
La disparition d’un oiseau continental, fréquentant le Paléarctique occidental, est une nouvelle alarmante. Auparavant, les oiseaux concernés par les risques d’extinction étaient des espèces endémiques, le plus souvent insulaires, dont les populations étaient déjà soumises à une fragilité en raison de leur habitat. De plus en plus d’oiseaux et de mammifères européens sont désormais touchés par d’inquiétantes baisses des populations, à l’image du hérisson ou du moineau domestique. Cette extinction doit participer à la protection des zones humides ; D’après l’IPBES (plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques), 87% des zones humides ont disparu depuis le XVIIIe siècle, dont 35% uniquement entre 1970 et 2015 : un quart des espèces habitant ces milieux sont placés en « danger d’extinction ».