L’éclairage de Noé


Le modèle de délégation de gestion d’aires protégées en Afrique : L'éclairage de Noé

Face aux controverses suscitées par la sortie du livre Au Nom de la nature, d’Olivier van Beemen, sur l’ONG African Parks et sur le modèle de délégation de gestion d’aires protégées en Afrique, Noé apporte son éclairage. Ce modèle est opéré par l'association pour préserver l’extraordinaire biodiversité du Parc national de Conkouati-Douli au Congo et du Complexe d’Aires Protégées de Binder-Léré au Tchad. 

Les villageois et notre responsable communautaire devant une barrière électrique, à Conkouati-Douli, pour prévenir les conflits avec les éléphants

27 mars 2025

Une extraordinaire biodiversité en Afrique, gravement menacée.

Les différents scénarii des Nations-Unies pour l’Afrique prévoient une augmentation majeure de la population dans une fourchette de 1,9 à 2,7 milliards en 2050. Avec cette pression démographique, couplée au changement climatique et aux différentes crises qui frappent le continent, l’érosion de la biodiversité va dramatiquement s’accélérer en Afrique dans les prochaines décennies comme ailleurs dans le monde. De larges pans de la biodiversité africaine ont déjà disparu comme la faune saharienne ou de savane d’Afrique de l’Ouest.  Cette perte vertigineuse de biodiversité menace gravement les écosystèmes et moyens de subsistance des populations : accès à l’eau, à la nourriture, aux médicaments (liés aux plantes) et réduit leur résilience aux événements climatiques extrêmes (sécheresses, inondations…), surtout chez les populations rurales qui sont souvent les plus démunies.

C’est dans ce contexte d’urgence que les Etats se sont engagés, dans le cadre de la COP15 de la Convention sur la Diversité Biologique, à protéger efficacement 30% de la planète et à restaurer 30% des écosystèmes terrestres et marins dégradés d’ici 2030. Actuellement, 17% des terres et 8% des zones marines sont protégées. Mais en réalité, ¾ des aires protégées sont des “Paper Parks” qui n’existent que sur la carte ou sur “le papier” ou ont un niveau de protection et de gestion très faible. 

Ces chiffres valent aussi pour les environs 7 000 aires protégées d’Afrique, la plupart du temps, faute de financements suffisants. 


Comment sauvegarder et restaurer efficacement la biodiversité africaine ? 

Pour sauver la biodiversité africaine, dont la grande faune, sauvegarder un réseau d’aires protégées est nécessaire. C’est pour cela qu’est apparu le modèle de partenariat de longue durée entre États africains et ONG dans les années 2000 pour les aires protégées qui étaient sous gestion des États. Celui-ci consiste à déléguer la gestion de l’aire protégée sur des mandat de longue durée par l’État à l’ONG concernée afin de restaurer l’intégrité de l’aire protégée au bénéfice des communautés locales mais également de renforcer les capacités de gestion de la biodiversité de l’État partenaire. 

C’est le modèle que met en place Noé avec le Congo et le Tchad pour le Parc national de Conkouati-Douli et le Complexe d’aires protégées de Binder-Léré. ​Pour Noé, l’engagement dans la gestion à long terme des aires protégées en partenariat avec les gouvernements africains est une réponse adaptée à des contextes spécifiques. Noé agit selon d’autres modèles d’intervention en fonction des contextes locaux : appui à la structuration d’aires protégées communautaires, accompagnement des acteurs privés à la conservation des territoires, appui direct technique et financier d’acteurs locaux…


Une récente étude * montre que : 

  • les aires protégées gérées par des ONG en partenariat avec les Etats enregistrent 55% de perte de couverture forestière en moins par rapport aux autres aires protégées.
  • Dans les zones où la pression humaine est élevée, cette réduction atteint même 66%.
  • Les budgets des aires protégées sous gestion déléguée aux ONG sont 14,6 fois supérieurs que ceux des autres aires protégées. Le budget de gestion d’une aire protégée dans un pays en développement est supérieur à 5€/ha/an. Cela signifie qu’un gestionnaire d’une aire protégée de 300 000 ha devra disposer d’au moins 1,5 millions d’€ par an. Les budgets mobilisés par les Etats d’Afrique francophone pour leurs aires protégées n’atteignent jamais ce ratio, pas même de près. Cet apport financier plus conséquent permet de mieux former les équipes, de mieux lutter contre les activités illégales et les atteintes à la biodiversité tout en mettant en place des actions de conservation et de développement des communautés plus efficaces.
  • L’impact de ces partenariats entre ONG et États sur la conservation ne se limite pas aux premières années. L’étude montre que les résultats s’améliorent après 5 ans de mise en place, soulignant l’importance de partenariats à long terme pour maximiser l’impact sur la biodiversité​.


*Source de l’étude : "Collaborative management partnerships strongly decreased deforestation in the most at-risk protected areas in Africa since 2000" 


Les communautés locales au coeur de la préservation des aires protégées gérées par Noé

Nous sommes convaincus que les communautés sont au cœur de la préservation de ces territoires, et qu'il est possible d’améliorer leurs moyens de subsistance et qu’elles soient plus résilientes aux effets du changement climatique tout en conservant la nature et les services écosystémiques dont elles dépendent. 


Aussi, dans le respect des droits humains, nous travaillons main dans la main avec les communautés locales en : 

  • créant des emplois essentiellement nationaux. Au sein du Parc national de Conkouati-Douli, 96% de nos salariés sont locaux. Les ratios sont de même nature dans nos autres zones d’intervention. Les directeurs pays des aires protégées que nous gérons sont des nationaux. Les salariés sont formés et montent en compétence.
  • soutenant leur développement tout en réduisant la pression sur les ressources naturelles grâce à la création ou au renforcement de filières de produits naturels durables (miel, karité…) génératrices de revenus et résilientes aux changements climatiques. Nous soutenons aussi les acteurs du tourisme communautaire, de l’agriculture et de la pêche à se développer plus durablement.
  • limitant les conflits avec la faune sauvage. Noé cherche et met des solutions en place pour développer une cohabitation pacifique entre les communautés et la faune sauvage. Par exemple, pour diminuer la destruction des cultures par la faune, des barrières électriques sont actuellement testées au sein du parc de Conkouati-Douli. 
  • soutenant et en renforçant les capacités des organisations de la société civile : ONGs locales, coopératives de femmes, ou gestionnaires d’aires protégées communautaires, nous les formons à être des acteurs du développement de leur territoire, des porte-voix de la biodiversité et accompagnons l’émergence de leaders locaux engagés en faveur de la nature. 
  • les accompagnant à améliorer leurs conditions de vie et à accéder à leurs besoins essentiels : accès à l’eau, à la santé, à l’éducation et à plus de sécurité par la lutte contre la corruption et l’intégrité des services publics…
  • les sensibilisant à aux enjeux de préservation des écosystèmes, au changement climatique et à l’importance de la biodiversité dans le cadre de programmes d’éducation à l’environnement.
  • collaborant avec des universités locales pour former la future génération de conservateurs de la nature sur le continent africain
  • en limitant les activités illégales (extraction minières, du bois, braconnage…) qui ont un impact négatif sur les communautés et leurs ressources naturelles (pollution des eaux, afflux d’armes, insécurité…)


Les communautés ne tirent pas seulement des bénéfices de ces partenariats, elles en sont les parties prenantes. Elles contribuent à la gouvernance des aires protégées.
Au sein du Parc national de Conkouati-Douli, un comité de gestion communautaire a été mis en place regroupant 51 représentants des villages et groupes autochtones. 2 représentants des communautés locales font également partie du Conseil d'Administration du Parc. L’adhésion forte des communautés aux enjeux de préservation de la biodiversité de leur territoire et leur implication est essentielle dans l’approche Paysage de Noé.


Une politique de tolérance zéro en cas de non-respect des droits de l’Homme

Noé applique une politique de tolérance zéro en cas de non-respect des droits humains par l’un.e de ses salarié.e.s et par les agents de l’Etat engagés au sein de l’aire protégée et a tout mis en oeuvre pour que cela ne se produise pas : 

  • une politique en matière de droits humains à laquelle tous les nouveaux salarié.e.s des aires protégées sont formé.e.s
  • un code de conduite valable pour tous les salariés des aires protégées
  • un process de gestion des plaintes et de griefs efficace et adapté aux différents contextes
  • des formations continues à l’attention des agents de protection de la loi
  • des procédures en matière de respect de la loi et des droits humains extrêmement strictes et des équipes formées en continu sur le sujet

Nos actions s’inscrivent également dans le cadre légal national que nous nous devons d’appliquer au quotidien.


Des bénéfices pour les Etats africains 

C’est toujours sous la tutelle de l’Etat et à sa demande que sont développés les accords de partenariat avec Noé pour la gestion de l’aire protégée selon des principes de redevabilité et des mécanismes de gouvernance inclusifs. Au-delà de la préservation de leur patrimoine naturel et culturel sur du long terme, les Etats en retirent :

  • Une meilleure visibilité et image, auprès des décideurs politiques internationaux, auprès des bailleurs, auprès des médias nationaux et internationaux.
  • Le renforcement des capacités de ses agents (engagés sur les parcs ou dans les ministères, qui participent à des visites, formations, conseil d’administration, etc.)
  • Le développement socio-économique résilient au changement climatique pour les communautés locales des aires protégées, avec des services écosystémiques fonctionnels
  • Le renforcement des capacités locales : plus de 95% des personnels recrutés sont des nationaux qui bénéficient de formation et d’accompagnement pour renforcer leurs connaissances et capacités. Les compétences ainsi acquises resteront dans la majorité des cas dans le pays ou continent. 
  • L’appui au développement d’outils de financements innovants et durables pour les aires protégées.

Quel est le lien entre Noé et l’ONG African Parks ?

Noé est une ONG internationale indépendante de droit français. Elle n’est pas une filiale de l’ONG African Parks mais son partenaire. African Parks apporte à Noé un appui technique et financier pour renforcer ses capacités, ses outils, et lui donner les moyens d’agir. Noé intervient dans le cadre d’une approche “paysage”, intégrant les communautés et les autres acteurs du territoire.


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