Un accord plus déclaratif qu'engageant et contraignant...

Mère & ourson apeurés sur la banquise dérivante. © Eric Lefranc / Biosphoto

Clap de fin pour la COP 15, Conférence internationale pour la protection de la biodiversité

Ce lundi 19 décembre, ce sont donc 190 États réunis depuis une dizaine de jours à Montréal qui ont ainsi signé l’« Accord de Kunming-Montréal » pour sauvegarder la biodiversité, ou disons plutôt pour tenter d’enrayer son déclin inexorable. Cet accord a été adopté après 4 années de réunions de négociations et à l’issue d’une quinzième conférence des parties marathon sous la Présidence de la Chine. 

19 décembre 2022

Un accord historique ?

Les plus optimistes parlent d’« accord historique », d’autres s’entendent sur un « tout ça pour ça ». Alors que retenir de cette COP 15 qui pose un nouveau cadre mondial visant à enrayer la perte de biodiversité à l’horizon 2030 ?


Protéger 30% de la planète


Parmi les 23 mesures de ce cadre mondial, retenons tout d’abord que la mesure la plus emblématique (et la plus audible par le grand public) reste l’objectif de protection de 30% de la planète (terres et mers) d’ici 2030 notamment par la création d’aires protégées (contre actuellement 17% des terres et 8% des mers).

Et cette mesure est importante, car dans ses derniers rapports, l’IPBES, plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques, dressait un triste constat :
  • 75% des écosystèmes terrestres et 66% des écosystèmes marins sont sévèrement altérés par les activités humaines, et près d’un million d’espèces sont menacées d’extinction ;
  • l’agriculture et l’élevage occupent à eux seuls plus du tiers de la surface de la Terre et captent les ¾ des ressources en eau douce ;
  • 55% de la zone océanique est exploitée par la pêche industrielle.


A cela s’ajoutent déforestation, pollutions en tous genres, artificialisation des sols1


Des aires protégées qui, seules, ne pourront pas sauver la biodiversité !


Cet objectif de conservation d’au moins 30% des écosystèmes terrestres et marins d’ici 2030 à l’échelle mondiale est donc essentiel, mais il doit absolument être conditionné à l’amélioration de l’efficacité de gestion des aires protégées, à l’arrêt de la perte de superficie et d’intégrité des écosystèmes, et à la restauration des milieux naturels dégradés des 70% restants de la planète !

Une autre mesure indispensable du point de vue de Noé pour la sauvegarde la biodiversité, et que nous suivrons de près, concerne l’engagement de réduction de 50% des risques liés à l’utilisation de pesticides d’ici 2030, mesure qui peut paraître moins spectaculaire mais qui est pourtant cruciale et sur laquelle l’Union Européenne s’est fortement mobilisée face à des pays comme l’Inde ou le Brésil.
Cette notion de limite des risques (et pas seulement des volumes) est majeure car certains pesticides sont extrêmement toxiques à de très faibles doses, c’est le cas notamment des néonicotinoïdes.


Un accord à relativiser

Finalement, si nous pouvons donc nous féliciter de ce nouveau cadre mondial dans les grandes lignes, deux problèmes majeurs sont à soulever.


Tout d’abord, le manque d’ambition de l’accord quant à sa mise en œuvre et à son suivi par les États signataires. En effet, l’accord n’est en rien contraignant et ne fixe aucune obligation aux signataires ; même chose pour les entreprises d’ailleurs qui ne seront finalement pas obligées de rendre des comptes quant à leurs impacts sur la biodiversité, elles n’y sont qu’« encouragées »

L’autre problème majeur est bien entendu celui du financement à débloquer pour soutenir les pays en développement pour la mise en œuvre des mesures adoptées. L’enveloppe nécessaire est évaluée à 100 milliards de dollars annuels, là où l’accord mentionne un engagement de 20 milliards de dollars d’aide annuelle internationale d’ici 2025 et 30 milliards à partir de 2030. On est donc loin du compte… Quant à l’enveloppe nécessaire à l’échelle mondiale, alors que la moitié du PIB mondial dépend de la nature, le budget actuel de financement pour préserver la biodiversité affiche toujours un déficit de l'ordre de 700 milliards par an d'ici 20302.


En conclusion...

Après l’échec de l’atteinte des objectifs d’Aichi en faveur de la biodiversité fixés en 2010 à horizon 2020, notamment en raison de l’absence de moyens dédiés, d’outils d’application et de mécanismes de vérification et d’indicateurs fiables, objectivement et régulièrement vérifiables, il est fort à craindre qu’encore une fois, nous passions à côté des objectifs à atteindre, les générations futures ne nous en remercieront pas. 



1 https://ipbes.net/news/Media-Release-Global-Assessment-Fr

2 Deutz et al. (2020). Financing Nature: Closing the Global Biodiversity Financing Gap 


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