Lorsque la nuit tombe et que nous plongeons dans les bras de Morphée, d’innombrable papillons s’activent, prenant leur envol vers un bal discret où ils esquissent une délicate valse avec la flore qui nous entourent. Moins connus que leurs valseurs diurnes, ces papillons jouent pourtant un rôle crucial dans l’harmonie de notre écosystème. Une étude récente met aujourd’hui en lumière la capacité de ces insectes nocturnes à maintenir la biodiversité végétale. En effet, les papillons de jour et les abeilles bénéficient à juste titre d’une certaine notoriété pour leurs contributions à la pollinisation.
Malheureusement, ce n’est pas le cas des papillons nocturnes aussi appelés hétérocères qui sont souvent sous-estimés dans ce même rôle. Cette étude dirigée par Max N.Buxton publiée en octobre 2024 dans la revue scientifique Austral Ecology, révèle pourtant que ces insectes nocturnes possèdent une aptitude remarquable à prélever et transporter le pollen d’une plante à une autre. Tout en déconstruisant le mythe selon lequel ces papillons ne seraient attirés que par les fleurs blanches. Une autre étude, publiée dans PLOS ONE, montre d’ailleurs que les hétérocères déposent en moyenne plus de pollen par visite que les insectes diurnes, soulignant ainsi leur efficacité insoupçonnée.
Les hétérocères : des pollinisateurs nocturnes plus efficaces que les insectes diurnes
L’étude s’est focalisée sur deux espèces courantes de papillons de nuit : Agrotis ipsilon et Ichneutica mutans [en photo]. Les chercheurs ont exposé ces hétérocères à trois variétés de fleurs présentant des morphologies très différentes : le myrtillier, avec ses fleurs tubulaires blanches, le kōhūhū, aux fleurs tubulaires violettes, et le manuka, avec ses fleurs larges et ouvertes. Cette dernière présentant deux échantillons distincts, l’une aux pétales rouges et une autre aux pétales blancs. Les résultats montrent que les papillons ne sont pas seulement attirés par les fleurs blanches, mais visitent régulièrement des fleurs de formes et couleurs variées, prouvant ainsi une flexibilité brisant nos idées reçues.
Ichneutica mutans en Nouvelle Zélande / Crédit : James Tweed
Encore plus étonnant ! Les résultats soulignent que la forme des fleurs influence le transport de ses nectars dorés. En effet, pour les fleurs tubulaires (en forme de tube) comme celles du myrtillier ou du kōhūhū, le pollen se dépose principalement sur la trompe du papillon. Cependant chaque plante interagit différemment par sa morphologie, c’est pour cela que des fleurs plus ouvertes comme celles du manuka se distinguent de notre dernier exemple, par le fait que nos butineurs n’ont pas besoin d’aller chercher le pollen en profondeur. Le butin de nos papillons nocturnes dans notre dernier exemple s'accroche majoritairement à leurs pattes et à leur corps. Toutes ces spécificités montrent que les plantes ont évolué avec différentes stratégies, adaptées pour maximiser leurs chances de reproduction grâce à leurs partenaires symbiotiques.
Ces découvertes sont fondamentales car elles élargissent notre compréhension des mécanismes écologiques nocturnes, tout en remettant en cause nos connaissances acquises sur la complexité des interactions entre plantes et pollinisateurs nocturnes. Elles soulignent également la nécessité de préserver une grande diversité florale et de ne pas se concentrer seulement sur certaines espèces afin de soutenir efficacement les papillons de nuit. Une perte de la variété florale pourrait entraîner un effet boule de neige, fragilisant les populations d’insectes essentiels à l’écosystème et, par conséquent, perturberait la reproduction de nombreuses espèces végétales à travers une réaction en chaîne.
Préserver la biodiversité nocturne : un enjeu crucial pour la stabilité des écosystèmes
Les résultats de ces recherches incitent à revoir les stratégies de conservation. En effet, en travaillant davantage sur l’intégration des pollinisateurs nocturnes dans les pratiques agricoles et horticoles en mettant en place des méthodes les protégeant, il devient possible de renforcer la résilience de nos écosystèmes face aux changements environnementaux actuels.
Cette étude, en nous révélant la diversité et l’importance des interactions nocturnes entre papillons de nuit et plantes, nous rappelle l’ampleur de notre responsabilité concernant la biodiversité nocturne. Préserver ces relations écologiques essentielles doit devenir l’une de nos priorités, afin d'assurer la stabilité et la durabilité de la nature qui nous entoure.