Face à l'urgence de sauver le vivant, la relance économique sera verte, ou sera vaine

Alors que la consommation de ces ressources est largement inégale – notamment entre les pays occidentaux et le reste du monde- Noé s’inquiète de la nouvelle politique de relance économique du gouvernement, loin d’être empreinte d’une volonté claire et ambitieuse de protéger le monde vivant.
© John Shaw / Photoshot / Biosphoto
01 septembre 2020
Le samedi 22 août a marqué le jour du dépassement mondial, jour à partir duquel nous consommons plus que ce que la planète peut offrir en une année. Alors que la consommation de ces ressources est largement inégale – notamment entre les pays occidentaux et le reste du monde- Noé s’inquiète de la nouvelle politique de relance économique du gouvernement, loin d’être empreinte d’une volonté claire et ambitieuse de protéger le monde vivant. De récentes décisions, fondées sur une logique économique plus qu’écologique, nous semblent reproduire un schéma productiviste que l’on espérait dépassé, notamment quand les scientifiques appellent depuis plusieurs années au changement radical de nos sociétés post-industrielles.

Le constat de l’ONG Global Footprint Network sur la base de 3 millions de données est sans appel : à partir du 22 août, nous puisons dans les réserves « non-renouvelables » de matières premières de la planète, et les émissions de CO2 que nous produisons ne seront pas absorbées par nos forêts et océans. Cette étude annonçait également qu’en s’appuyant uniquement sur les données françaises, ce jour serait survenu le 14 mai dernier, signe de notre incapacité à concilier notre façon d’habiter la planète avec les limites de cette dernière.

Et le fossé entre nos modes de vie et ce que la Terre produit se creuse d’années en années : en 1970, c’est le 29 décembre que l’on atteignait ce jour du dépassement. Pourtant, un fait doit nous interpeller : en 2020, cette date fatidique survient 3 semaines plus tard que l’année passée. En cause, le confinement provoqué par la pandémie de coronavirus. L’enseignement est clair : un changement de nos pratiques et modes de vie est possible et celui-ci a effet positif, mesurable et quasi-immédiat sur l’environnement. Alors qu’une occasion nous est donnée de repenser toutes les pressions que nous exerçons sur le vivant, pourquoi le plan de relance économique du gouvernement n’inclut-il aucune action forte en matière de protection de la biodiversité ?

 

Entre économie et écologie, l’antagonisme persiste

«Relocalisation », « économie nationale » et « croissance » semblent maitres-mots de ce plan qui doit dessiner les contours du « monde d’après » en France, comme le confirment de nombreuses aides[1] déjà accordées à des filières industrielles nocives, notamment à l’aéronautique. Ces idéaux productivistes, auxquels s’ajoutent les récentes réautorisation de l’usage des néonicotinoïdes et de la chasse d’espèces protégées sèment le doute quant à la place effectivement accordée à la transition écologique dans la relance.

 30 milliards d’euros seront dédiés à la transition, comme l’annonçait Bruno Le Maire[2]. En ligne de mire, la rénovation énergétique, les transports et l’énergie[3].

Face à cet effet d’annonce, Noé reste perplexe. Si la lutte contre les passoires thermiques, et la progression vers des transports à bas carbone sont louables, où sont les fonds dédiés à la valorisation d’autres modèles agricoles, de pratiques de productions respectueuses de la biodiversité ? De plus vastes actions de protection d’espèces seront-elles envisagées pour protéger les milieux qui nous rendent nombre de services vitaux ? Comment s’assurer, par ailleurs que les entreprises tiendront leurs engagements ?

 Sans protéger le vivant, l’économie s’effondrera inévitablement. L’année passée, Sir Robert Watson, président de l’IPBES déclarait : « Grâce au « changement transformateur », la nature peut encore être conservée, restaurée et utilisée de manière durable - ce qui est également essentiel pour répondre à la plupart des autres objectifs mondiaux. »

Et la France de reconnaître, au titre de pays membre de l’IPBES :

« (…) que, par sa nature même, un « changement transformateur » peut susciter une opposition de la part de ceux qui ont des intérêts attachés au statu quo, mais également que cette opposition peut être surmontée pour le bien de tous »[4].

Ce changement transformateur, Noé et nombre d’autres associations l’attendent depuis trop longtemps.

 C’est pourquoi Noé appelle les pouvoirs publics à faire preuve d’une cohérence globale dans leurs décisions, ainsi qu’à joindre la parole aux actes : l’écologie ne peut être restreinte à des actions ponctuelles quand une volonté globale vise à plus d’exploitation des ressources. Pour cela, il est plus que temps de renverser l’ordre de nos priorités en envisageant systématiquement l’économique par le prisme écologique.

 

Sans biodiversité, aucune production n’est possible. 

Car s’il faut à nouveau le rappeler, c’est du bon fonctionnement des écosystèmes que dépendent la création de matières premières, la pollinisation de nos cultures, l’absorption de notre Co2, la fertilisation de nos sols, le rafraichissement de nos villes et la prévention de nombres de catastrophes naturelles. Et pourtant, ce sont ces mêmes écosystèmes que nous nous employons à détruire et épuiser sans relâche.
 
Depuis bientôt 20 ans, Noé travaille quotidiennement aux côtés des entreprises, des élus et plus largement des citoyens pour mettre en œuvre des actions vertueuses et responsables de sauvegarde de la biodiversité. Ce message est de plus en plus relayé dans l’opinion publique et l’accélération d’une volonté collective d’œuvrer à un monde plus durable se fait à présent très nettement sentir. Nos élus ne peuvent plus l’ignorer ! La convention citoyenne a ouvert la voie de la réflexion concertée sur les actions à mener, il faut maintenant que nos politiques fassent preuve de courage et prennent les mesures qui s’imposent, faute de quoi, soutien économique et transition écologique resteront deux champs contradictoires.

 

Reconsidérer notre rapport au monde vivant non-humain

Enfin, à l’heure où la 6ème extinction de masse fait consensus dans le monde scientifique, il nous semble dangereux de fonder notre vision de la protection du vivant sur la seule base des services et ressources qu’il nous procure. D’abord, car un rétablissement de la biodiversité nécessite bien plus qu’une mise sous perfusion de la nature pour assouvir notre soif de production et de croissance.

Ensuite, car cette vision utilitariste évince toute idée de responsabilité que nous avons au sein de ce monde vivant, dont nous faisons partie. Pourtant cette responsabilité à protéger ce qui vit doit s’incarner concrètement, grâce à une meilleure connaissance et une meilleure considération de ce vivant que nous choisissons à dessein ou inconsciemment d’ignorer. Pour cela, il est alors plus que temps de réhabiliter une éducation à la nature qui vise à un éveil intergénérationnel et collectif des consciences.

Alors, et seulement alors, nous pourrons nous réclamer collectivement « Tous écologistes ».
 
[1] https://www.latribune.fr/economie/france/coronavirus-l-ue-valide-le-plan-francais-de-soutien-aux-entreprises-842921.html

[2] https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/07/26/relance-le-maire-promet-30-milliards-d-euros-pour-la-transition-ecologique_6047300_3234.html

[3] https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/07/26/relance-le-maire-promet-30-milliards-d-euros-pour-la-transition-ecologique_6047300_3234.html

[4] https://ipbes.net/news/Media-Release-Global-Assessment-Fr

 
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